L’accord de principe auquel sont parvenus les sept ordres professionnels des acteurs de santé après plusieurs mois de discussion est qualifié « d’historique » par François Arnault, président du Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), et « non publié » par le Conseil national Ordre des infirmières.
« Pour la première fois, l’Ordre des médecins a accepté le transfert de documents à d’autres professionnels de santé », explique son président. Avant son élection à la tête de cette organisation, en juin 2022, ce sujet était presque un tabou pour les visiteurs médicaux, un obstacle insurmontable dans les discussions. Vu l’urgence vécue par la population, ce temps est clairement révolu.
L’accord conclu au sein de la commission de liaison inter-ordres (Clio) mobilisée par les ministres vise à accélérer la mise en place des mesures d’élargissement des missions des personnels paramédicaux de santé et le transfert vers ces derniers de certaines activités jusque-là dédiées aux médecins. L’objectif : permettre aux patients d’être assistés non seulement d’abord par un médecin mais, selon les cas, par une infirmière ou un kinésithérapeute. La loi prévoit par exemple l’accès gratuit aux kinésithérapeutes pour les entorses des chevilles ou les lombalgies aiguës, mais les décrets d’application ne sont pas encore publiés.
La fin du « tout médecin »
Selon l’Ordre national des infirmiers, ces engagements des ordonnances « posent pour la première fois le principe de première instance » pour les infirmiers, qui sont très nombreux (plus de 600 000) et répartis sur tout le territoire, même en libéral. Leur ordre le réclamait depuis longtemps, mais il s’était toujours heurté à une forte opposition du CNOM, aujourd’hui débordé. Selon le principe du bon praticien au bon moment, les ordres veulent accélérer et généraliser le recours à la pratique coordonnée.
Les sept ordres (1) souhaitent également développer le partage des actes et des activités entre les professionnels qui travaillent dans les équipes de soins primaires en début de parcours de soins.
« Dans les territoires où les patients ont un médecin traitant, ce partage est organisé mais il faut aller plus loin pour que le médecin puisse libérer du temps médical et augmenter le nombre de patients soignés d’une part et le nombre de patients d’autre part. Du temps dédié à chaque patient » précise le Dr Arnault.
Dans les « déserts médicaux », où de nombreux patients n’ont pas de médecin traitant, les arrêtés imposent qu’une mission d’orientation soit dévolue à d’autres professionnels de santé : ce sont eux qui accueillent les patients, évaluent leurs besoins et soutiennent le protocole en collaboration, si besoin, ou les mettre en relation avec un médecin pour une consultation physique ou digitale. Ce dispositif n’est pas destiné à ce que les patients soient assistés par un professionnel moins formé que le médecin, poursuit le président du Cnom, car « le médecin reste la démarche obligatoire ». L’objectif est de réduire la perte d’opportunités due au manque d’utilisation du système de santé, soit parce qu’il y a trop peu de médecins, soit parce qu’il n’y a pas de médecin traitant (c’est le cas de 6 millions de personnes en France).
« Le médecin reste un passage obligé »
Ce changement de paradigme demandé par les Ordres, et officiellement salué par le Ministre de la Santé et le Ministre de l’Organisation du Territoire et des Professions de Santé, constitue une petite révolution par rapport aux années d’accès direct, exclusif et facile au médecin. Un changement profond et durable qu’il faudra expliquer et rendre lisible auprès de la population. Elle doit aussi s’accompagner, insistent aussi les ordonnances, d’une valorisation des compétences que les professionnels mobiliseront dans cette nouvelle organisation en matière de formation et de passerelles entre les métiers. Et d’assurer une démographie des personnels de santé cohérente avec les besoins de la population.
La mise en œuvre de ces mesures, si elles sont effectivement adoptées par le gouvernement, nécessitera des modifications du cadre légal et contractuel d’exercice des professionnels concernés.
L’Ordre des Infirmières a déjà envoyé ses propositions. Les deux ministres annoncent dans leur communiqué que l’Etat et l’Assurance maladie travailleront « dans les prochaines semaines » en collaboration avec les ordres pour accompagner et traduire ces évolutions en actes.
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