CBD au volant, une menace pour le permis au virage !

Alice* est une utilisatrice d’huile de CBD.

Lorsqu’elle a été interpellée cet été et qu’elle a eu la mauvaise surprise de voir son test salivaire, prévu pour le dépistage de drogue, revenir positif, elle a immédiatement pensé à prévenir la police.

Dans de tels cas, les sanctions sont presque toujours les mêmes, et surtout elles sont immédiates, sans possibilité – ou presque – d’échapper : maintien du permis, suivi d’une suspension administrative de six mois… C’est le maximum. fournies par les textes !

Et ce n’est peut-être pas fini.

Appelé à comparaître jeudi après-midi (15 décembre) devant le tribunal correctionnel de Lisieux (Calvados), risque encore plus.

La conduite après usage de stupéfiants constitue un délit passible d’une amende de 4 500 euros, de deux ans d’emprisonnement, assortie d’un retrait de six points, et de peines complémentaires telles que la confiscation du véhicule, et dans les plus courantes, la suspension du conducteur. permis pour un maximum de trois ans, quand ce n’est pas son annulation directe !

Le problème est que le CBD n’est pas un stupéfiant.

Il est totalement autorisé à consommer. Et c’est aussi disponible gratuitement à tous les coins de rue en France, et sur Internet.

Le piège du CBD pour les automobilistes

Alice est loin d’être la seule coincée sur la route.

Les conducteurs qui ne se droguent pas, n’ont rien à se reprocher, mais qui sont pourtant lourdement sanctionnés, par les autorités administratives d’abord, puis condamnés par la justice dans un second tour, sont de plus en plus fréquents.

« Le phénomène est exponentiel, les autorités ne peuvent pas l’ignorer, et il n’est absolument pas envisagé ! », déplore Laureen Spira, avocate spécialisée dans le Code de la route, et passionnée par ce type de commerce.

En revanche, les consommateurs, à pied, risquent aussi beaucoup potentiellement, avec la généralisation des amendes pénales forfaitaires (AFD) pour usage de stupéfiants à 200 euros (150 € moins/450 € plus).

Il est loin d’être évident de pouvoir différencier l’herbe de cannabis, qui est totalement illégale, de l’herbe de CBD, qui est 100% légale.

En cas de doute, un procès-verbal peut donc être dressé.

CBD et conduite, quel est le problème ?

Le cannabidiol (CBD) est l’une des molécules qui composent la plante de cannabis, également appelée chanvre.

Comme le tétrahydrocannabinol (THC), qui est aussi le cannabinoïde le plus courant dans le cannabis.

Mais contrairement au CBD, le THC induit des effets psychotropes. Et c’est à cause de sa présence que le cannabis est classé comme stupéfiant.

Cela explique aussi pourquoi c’est le THC qui est recherché lors des contrôles, le plus souvent dans la salive des conducteurs.

Cependant, dans les faits, ce qu’on appelle CBD contient rarement du CBD pur.

Ce sont généralement des mélanges de substances dérivées du cannabis, et il est courant que les produits contiennent également du THC…

Théoriquement en quantité trop faible pour avoir un effet psychotrope, mais suffisante pour être détectée lors des contrôles routiers !

Quelle teneur en THC dans le CBD ?

Les produits au CBD se trouvent sous différentes formes : fleurs séchées, huiles, infusions, liquides pour vapoteurs, produits cosmétiques…

Selon les vendeurs et consommateurs de CBD, les produits améliorent le « bien-être », soulagent l’anxiété, le stress, les douleurs, améliorent le sommeil, quand ils n’aident pas au sevrage du cannabis, cette fois riche en THC.

Pourtant, « des preuves scientifiques d’un intérêt thérapeutique (…) » rappelle l’Académie nationale de médecine, dans une récente communication.

Pour être conformes à la réglementation, ces produits doivent être pauvres en THC, avec une teneur inférieure à 0,3 %.

Mais « il est possible, en fonction de la concentration en THC, de la quantité et de la fréquence d’utilisation du produit consommé, d’avoir un résultat de test positif au THC », confirme une étude scientifique, publiée en septembre dans la revue Analytical Toxicology and Clinic.

« Cela pourrait donc mettre l’utilisateur en infraction avec la loi, notamment dans le cadre du guide », souligne-t-il également.

Nous l’avons déjà constaté sur le terrain lors de notre précédente enquête sur le sujet en début d’année.

Cependant, aucune campagne d’information pour avertir les consommateurs n’a été lancée, aucun marquage particulier sur les produits vendus n’est encore imposé.

En termes simples, les produits au CBD ne peuvent, sous peine de sanctions pénales, faire l’objet d’allégations thérapeutiques (sauf s’ils ont été autorisés comme médicament).

Mais même cela ne semble pas toujours bien respecté.

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La publicité qui les concerne ne doit pas conduire, même indirectement, à la promotion du cannabis légal.

Une réglementation encore en évolution

En France, cependant, l’ensemble du cadre juridique n’est pas totalement figé.

De là à expliquer ce manque d’attention aux consommateurs en danger ?

Maintenant, nous devrions le savoir assez rapidement, car 2023 devrait être l’année de la clarification réglementaire du CBD.

On peut vraiment attendre la fin de la bataille judiciaire acharnée qui se livre depuis plusieurs années entre les autorités et les producteurs/distributeurs concernés par ce marché estimé à plusieurs milliards d’euros.

L’arrêté ministériel du 30 décembre 2021, qui devait installer une nouvelle réglementation, est contesté par ce dernier devant le Conseil d’Etat.

En tout état de cause, la décision tant attendue de la plus haute juridiction de l’ordre administratif devrait intervenir dans deux à trois semaines au maximum.

L’objet du litige porte principalement sur les fleurs et les feuilles de CBD.

Car des dispositions de ce décret vient que sa vente, sous toutes ses formes, sa possession et sa consommation sont interdites.

L’interdiction est pour l’instant suspendue, dans l’attente de la décision au fond du Conseil d’Etat.

Pour les autorités, cela se justifie par des raisons de santé et d’ordre public.

Non seulement « les risques liés au tabagisme sont établis », rappelle la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), mais en plus il faut « préserver la capacité opérationnelle des forces de sécurité internes pour lutter contre la drogue ». stupéfiants ».

On peut toujours affirmer que, malgré sa nocivité établie, fumer des cigarettes reste légal, et d’autres moyens peuvent être développés pour distinguer le CBD du cannabis illicite.

Des solutions guère miraculeuses

D’après notre enquête, les laboratoires de toxicologie, qui analysent ainsi les échantillons prélevés pour la recherche et le dosage de stupéfiants, dont le THC pour le cannabis, sont prêts à faire de même pour le CBD.

Il faut toujours leur demander.

Ensuite, c’est aux procureurs de changer leur doctrine pour inclure la recherche de CBD dans leurs réquisitions lorsqu’ils saisissent les laboratoires pour ces analyses.

Selon un expert interrogé par Caradisiac, « cette recherche permettrait d’étudier la relation entre la dose de CBD et de THC, et sur cette base, d’établir si les déclarations du conducteur sont plausibles ou non ».

De là à influencer les décisions de maintenir puis de suspendre les permis de conduire des automobilistes concernés ? Rien n’est moins sûr…

1 – Après un dépistage positif, la rétention de la licence est immédiate, les résultats des analyses transmis aux laboratoires ne sont de toute façon pas disponibles à ce stade.

2 – Dans de tels cas, cette conservation de la licence peut durer jusqu’à 120 heures, soit 5 jours. C’est justement le temps laissé aux laboratoires pour fournir les résultats de ces analyses…

5 jours sans permis, c’est déjà très cher pour un simple consommateur de CBD, dont l’intention n’était en aucun cas de se droguer.

3 – Comme le souligne « notre » expert, « une dose compatible avec la consommation de CBD n’exclut malheureusement pas totalement ou nécessairement la consommation de cannabis ».

En cas de doute, il ne serait pas des plus surprenant que les préfets continuent de prononcer, dans ce délai de 120 heures, leur sanction, c’est-à-dire la suspension administrative du permis de conduire jusqu’à six mois.

Une sanction administrative qu’il est alors quasiment impossible de contester par la suite.

Dans ce domaine, les recours non satisfaits auprès des préfets sont généralement condamnés à l’échec, et ensuite, la seule contestation possible est de saisir le tribunal administratif.

Mais vu les délais de traitement des demandes des tribunaux, bien supérieurs aux 6 mois de suspension possibles, cela n’a pas vraiment d’intérêt (sauf cas très particuliers).

Force est cependant de constater que « cette recherche en CBD est très importante pour consolider une défense devant le Tribunal correctionnel », note Maître Spira.

Car après un dépistage positif et la confirmation de la présence de THC par le laboratoire, les démarches légales s’enclenchent automatiquement – ou presque.

Enfin, c’est devant le tribunal correctionnel que les preuves positives doivent atterrir.

Faute de mieux, cette analyse CBD semble donc indispensable pour cette étape.

Un seuil bientôt toléré pour le cannabis, comme pour l’alcool ?

Pour éviter d’être pris dans le filet des simples consommateurs de CBD, il semble que la solution idéale serait d’adapter les seuils de détection des kits de dépistage.

Pour Laureen Spira, il est évident que « les tests salivaires, utilisés par les forces de l’ordre, sont trop sensibles ».

Le problème, c’est qu’un nouveau marché, pour « l’achat de kits de dépistage de drogue par la salive au profit de la gendarmerie nationale, de la police nationale, de l’armée de l’air et de l’administration pénitentiaire » a été attribué pour 4 ans à la société Dräger au départ de 2021.

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Un contrat estimé à près de 9 millions d’euros TTC.

A partir de 2024 – et de la fin de ce marché – il semble donc peu probable de voir évoluer les équipements utilisés par les forces de l’ordre.

Car tout est aussi une question de moyens.

Et c’est probablement pour cette même raison que les procureurs n’ont pas encore réclamé la recherche sur le CBD auprès des laboratoires, entraînant des frais de justice supplémentaires.

En tout cas, si un seuil de détection était décidé, cela signifierait en pratique que le cannabis serait légalisé jusqu’à ce niveau… Ce serait en soi une révolution !

Les recommandations pour optimiser sa défense

Lors des contrôles, les policiers et les gendarmes semblent généralement priver les conducteurs de leur droit de bénéficier d’un second avis sur les analyses effectuées.

La raison est simple : autoriser cette contre-expertise prend du temps, puisqu’elle doit être réalisée à partir d’un échantillon de sang.

Cependant, cet échantillon de sang ne peut pas être prélevé par la police sur le bord de la route, contrairement à d’autres opérations.

Après un dépistage, le plus souvent de la salive, positive, c’est vraiment un échantillon le plus souvent aussi de salive qui est envoyé au laboratoire pour vérification.

Et tout cela est donc disponible et réalisé par les agents sur place.

La simplicité même du procédé explique la multiplication des contrôles en ce sens ces dernières années.

En 2021, selon le dernier rapport de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), la conduite d’un véhicule après usage de stupéfiants a dénombré 105 582 verbalisations, soit une augmentation de plus de 31 % par rapport à 2017.

C’est désormais plus que le taux d’alcoolémie (+ 0,8 g/l de sang) du délit visé !

Quant au nombre de chèques à arriver, il a plus que doublé depuis 2017.

En 2021, il y avait 630 957 contrôles de l’usage de drogues, contre 285 741 quatre ans plus tôt.

« Pour le respect des droits de la défense, priver les chauffeurs de cette possibilité de contre-expertise, est tout simplement scandaleux », se plaint Me Spira.

Et, dans ce cas, par rapport aux recherches sur le CBD, « cet échantillon de sang représente mieux ce qu’il y a dans le corps, donc on est plus à l’aise pour discuter », reconnaît l’expert en toxicologie.

Conclusion : profiter de la possibilité de cette deuxième opinion est un avantage certain pour ceux qui ont besoin de prouver leur innocence.

Alors n’hésitez pas à faire face à la police, et à la réclamer… Même si cela rallonge considérablement la durée du contrôle.

Le test capillaire, la bonne idée !

« Il est indispensable de se soumettre au plus vite à une nouvelle analyse, pour rechercher à la fois le CBD et l’éventuelle présence de THC », recommande également Me Spira.

C’est ce qu’il conseilla à Alice, pour mieux préparer sa défense.

Il a également effectué un test capillaire qui permet de détecter la consommation de drogue sur une longue période.

Dans un laboratoire de toxicologie, le coût de ce test peut être d’au moins 180 euros TTC.

Dans le cas d’Alice, le test a en tout cas confirmé l’absence de THC et donc l’absence de consommation légale de cannabis « entre mai 2022 et fin juillet 2022 ».

Cependant, son dépistage positif et les prélèvements ultérieurs datent de début juillet.

Un argument imparable que le magistrat qui doit la juger pourra entendre ?

Le délibéré est prévu ce lundi (19 novembre). Caradisiac ne manquera pas de rendre publique cette décision.

Mais le procureur, de son côté, n’a rien voulu entendre. Il a demandé une annulation d’un mois de son permis de conduire et une amende de 30 jours de 10 euros.

« Dans ma pratique, je ne peux que constater que les juges restent réceptifs à nos arguments, j’ai donc des résultats très positifs », déclare Laureen Spira.

Si les assouplissements restent fréquents pour les consommateurs de CBD soutenus par des avocats, c’est loin d’être évident pour les autres.

De plus, comme expliqué dans notre article, ces libérations se font la plupart du temps, après de lourdes sanctions administratives quasi systématiques et quasiment indiscutables.

Enfin, il y a un autre danger : les vrais consommateurs de cannabis ont trouvé le truc…

Ils disent aussi de plus en plus à la police qu’ils ne prennent que du CBD.

Cela n’évite pas les sanctions administratives, comme nous l’avons déjà expliqué, mais cela peut introduire un doute lorsque leur cas est traité en justice.

A force, la justice pourrait donc vouloir serrer la vis. Avec pour corollaire de condamner encore plus d’innocents !