Le représentant de La France Insoumise (LFI) de Haute-Garonne a donné rendez-vous à Newsweed dans son bureau à l’Assemblée nationale. Entre un livre de Jean Jaurès et des travaux sur l’énergie nucléaire, le président du groupe d’étude sur le cannabis se dit « content » de son nouveau rôle, même s’il a encore beaucoup à apprendre sur le cannabis. Comme son prédécesseur, il est partisan d’une « légalisation encadrée du cannabis » en France.
Newsweed : Avant de devenir député, vous avez travaillé pendant 15 ans à La Poste, puis dans l’administration de l’Université de Toulouse. À l’Assemblée, vous siègez à la Commission de la défense nationale. Comment vous êtes-vous retrouvé dans ce groupe cannabique ?
Christophe Bex : Quand la présidente du groupe LFI, Mathilde Panot, a demandé aux députés dans quel groupe d’étude chacun souhaitait siéger, j’ai postulé au groupe sur la ruralité, car j’ai grandi dans la Meuse, et sur le cannabis. J’ai toujours trouvé le modèle français absurde. Et puis le cannabis est un sujet transversal, où l’on parle de justice, de sécurité, de santé publique… C’est ainsi que je me suis retrouvé président du groupe d’étude cannabis ! Mais pour le moment, je suis seul dans ce groupe (il sourit).
Quelle sera sa composition ? Et son rôle ?
Le secrétariat de l’Assemblée nationale enverra un message à tous les députés, puis j’accueillerai les nouveaux membres. Ce serait bien si nous étions quinze, de toutes les allégeances politiques. Quant au rôle, je n’ai pas l’ambition de réinventer l’eau chaude, mais j’organiserai des auditions. D’ailleurs, le collectif « Police contre l’interdit » m’a déjà contacté. Et puis, pourquoi ne pas rédiger une facture.
« Je suis favorable à une légalisation encadrée »
Allez-vous contacter Robin Reda (ex-LR, aujourd’hui Renaissance), le président de la tournée d’information sur le cannabis lors du mandat précédent ?
(Il note son nom dans un carnet, puis vérifie sur son ordinateur si M. Reda est toujours député) Oui, ainsi que tous les députés qui ont travaillé sur le cannabis. Je parlerai également à mes collègues de LFI, Eric Coquerel et Ugo Bernalicis, qui ont déposé plusieurs projets de loi pour légaliser le cannabis.
Lors des auditions, entendrez-vous des représentants des usagers de cannabis, souvent oubliés ?
Vous avez raison. Dans notre société, lors des débats télévisés, on invite beaucoup de personnes « informées » mais on ne laisse pas de place aux personnes, les premières en cause. C’est particulièrement vrai en ce moment, avec la réforme des retraites. Si vous posez la question à un chauffeur, vous comprendrez vite qu’il ne pourra pas travailler avant deux ans.
Quand il s’agit de cannabis, je dis « oui » à interroger des représentants d’usagers ou d’ex-usagers. J’aimerais connaître leur âge, leur parcours, leur rapport au cannabis, s’ils sont dépendants ou non. Vous ne pouvez pas travailler sur un sujet si vous ne parlez pas d’abord aux personnes concernées.
Robin Reda s’est dit favorable à « une légalisation sûre du cannabis ». L’ancienne rapporteure Caroline Janvier (Renaissance) a fait part à Newsweed de son soutien à la « légalisation étatique ». Et tu?
Je suis également pour une légalisation encadrée par l’État, avec interdiction de vente aux mineurs, et utilisation autorisée uniquement dans des zones désignées. La culture du cannabis doit être locale et non capitalistique, si possible bio, avec un taux de THC plafonné. Je veux aussi le droit de cultiver du cannabis chez moi, pour éviter que les grands groupes ne dominent le marché. Mon objectif est de protéger les jeunes et de réduire la consommation.
Au cours du dernier mandat, plusieurs projets de loi ont été adoptés pour légaliser le cannabis. Ils ont tous échoué. Allez-vous continuer à tenter votre chance ?
Oui. Nous devons trouver une majorité, mais je ne pense pas que ce soit impossible. A l’Assemblée, il y a beaucoup de députés dans la quarantaine maintenant, qui ne s’étonnent pas que quelqu’un ait pu fumer un joint à un jeune âge. Ce n’était pas le cas il y a quelques années. On peut donc rassembler les élus de tous bords si on explique qu’on veut lutter contre la traite des êtres humains, réduire la consommation, libérer du temps pour la police.
L’amende pour cannabis ne fonctionne pas. Deux amendes sur trois ne sont pas payées, certains départements pauvres (Bouches-du-Rhône, Seine-Saint-Denis) sont plus visés que d’autres. Qu’est-ce qui devrait être fait?
Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas la faute des utilisateurs. C’est la faute du système. Pénaliser la consommation ne résoudra rien, tant qu’il y aura toujours une boîte de bonbons au milieu de la table. Au lieu de cela, nous devons apporter de l’activité à ces jeunes. Quand ils fument, ils ne pensent à rien d’autre.
En mars 2024, les expérimentations autour du cannabis thérapeutique prendront fin, trois ans après leur début. Est-il temps de légaliser l’usage médical du cannabis ?
(Il note quelques mots dans son carnet). Je vais suivre ça de près. S’il y a un vote, LFI votera pour elle. Ce serait un excellent signe, un pas de plus vers une éventuelle légalisation universelle. En matière de cannabis thérapeutique, nous sommes à la traîne en France. Quand on voit des patients atteints de sclérose en plaques, il vaut mieux qu’ils aient accès au cannabis plutôt que de se bourrer de drogue.
Concernant le CBD, comment avez-vous vu la longue bataille juridique ?
J’avais suivi à distance et discuté avec des commerçants. Mais cela en dit long sur le jour où nous décriminaliserons ou légaliserons le cannabis en France. Ça va être un long combat, il y aura toujours cette résistance.
Pensez-vous que la démocratisation du CBD peut aider les Français à mieux comprendre – et accepter – le cannabis ?
Oui. Avec le CBD, les commerces se voient dans le paysage. Certains seront curieux, pousseront la porte, apercevront des fleurs de cannabis, prendront des renseignements. Peut-être qu’ils pensent qu’il n’en faut pas beaucoup pour qu’un magasin CBD se transforme en « cannabistro » (il sourit).