Comment briller dans les dîners en ville (selon Proust) ?

Êtes-vous fatigué des dîners ou manquez-vous le début de briller ici? L’écrivain Charles Dantzig, fin connaisseur de « La Recherche », nous guide au pays des événements mondains.

L’écrivain Charles Dantzig est un excellent sauveur. Dans son dernier essai, « Proust Océan », il nous apprend à nager comme Proust, à nager dans les longues phrases comme des volutes de « A la recherche du temps perdu », qui peuvent parfois sembler intimidantes. Avec Dantzig, tout est cristal. Mais c’est nul ! Comme dans son célèbre « Dictionnaire égoïste de la littérature française » (éd. Grasset), il se révèle être un Capitaine Haddock excentrique, drôle, sujet, brillant, plein d’érudition, parfois d’une plaisante mauvaise foi. Sous sa plume, Proust est véritablement un océan dans lequel on plonge, on se rafraîchit, on se régénère. Où nous avons beaucoup appris sur la vie et sur nous-mêmes. Et puisque Proust était le romancier de la mondanité, nous avons demandé conseil au spécialiste de Dantzig, avec l’aide du grand Marcel, pour réussir sa vie en société. Bien sûr, le monde va mal, l’ambiance est morose, mais n’est-ce pas une raison pour voir des amis, organiser des dîners, rencontrer de nouvelles personnes ? Oh oui! Manuel.

En savoir plus >> Question psycho : Et si la vie de David Bowie pouvait guider la nôtre ?

Réduisez le cercle de vos relations                                           

La situation Cet automne, votre nombre d’amis virtuels ne cesse d’augmenter sur Insta, Facebook, WhatsApp ou TikTok. Au point qu’on se demande si on devrait en rencontrer certains dans la vraie vie (oh mon dieu !). Que faire?

À Lire  CBD : consommation légale... mais pas au volant !

Le conseil « Proust aurait sans doute conseillé de rester confiné dans son petit milieu », explique Charles Dantzig. Il pousse comme une plante dans un pot de terre fermé. Sinon, nous risquons la dispersion, la dissipation de notre énergie. Il y a en lui cette idée que la vie sociale est une forme de création assez fragile, dont il faut prendre soin. C’est en quelque sorte le contraire des réseaux sociaux. Par contre, « La Recherche » ressemble à un petit village. Dans cette œuvre immense, il n’y a finalement que quelques personnages – Swann, Odette, Albertine, Mme Verdurin… – qui reviennent. C’est très circonscrit. »

Ne fantasmez pas trop                                                 

La situation Une invitation à une soirée où il y aura un auteur connu, un influenceur populaire ou encore un politicien admiré. L’intimidation prend le dessus sur vous et vous vous demandez si vous serez un jour à votre place…

Conseils avancés et ne soyez pas impressionné ! Cependant, les choses ne se passeront pas comme prévu. « Chez Proust, les gens ne sont jamais ce qu’ils paraissent, les réputations sont toujours sans fondement, note Charles Dantzig. « La Recherche » est le roman de la déception perpétuelle. Il y a une distance permanente entre la vision idéalisée que le narrateur a des ‘êtres et leurs réalité. Proust lui-même était comme ça. Il fantasmait énormément sur les gens avant de déchanter… « Nous sommes tous un peu proustiens sur ce point. Et il ne faut pas oublier de ne jamais trop fantasmer. D’autant que les bonnes surprises sont légion. « Même quand le héros – le narrateur – est déçu, poursuit Dantzig, la déception est surmontée car la vie est là, surprenante, intéressante. L’échec est une forme de réussite ! »

N’ayez pas peur des potins                                                     

La situation Au début de l’année scolaire, vous avez décidé d’être une personne en bonne santé, positive et bienveillante (comme votre professeur de yoga). Mais ensuite, vous rencontrez votre vieil ami Coralie et commencez immédiatement à bavarder sur Sarah et son récent divorce. Est-ce faux?

Le conseil « Proust était passé maître en la matière, lui qui adorait les « Mémoires » de Saint-Simon, le plus grand cancan de la cour de Louis XIV, rappelle Charles Dantzig. Je pense que Proust aurait vu dans le cancan une forme d’inventivité , le stade amibien de la créativité. Car, même si le commérage est un peu malveillant, un peu mesquin, celui qui le colporte et l’embellit fait preuve d’imagination, essayant désespérément de sortir de la banalité de la vie de tous les jours. est une réalité ennuyeuse, heureusement contredite par les commérages. »

Assumez la superficialité                                                            

La situation Vous ne savez plus si vous aimez toujours aller en soirée. Tous ces « bavardages » un peu vains, ces relations inutiles… Vous ne suffisez plus et vous recherchez des relations plus authentiques…

À Lire  Le Chanvrier Français recommande de consommer du CBD cet été

Restez à la surface des choses et appréciez ce que vous y voyez. « Dans la société, chacun de nous présente une façade aux autres », observe Charles Dantzig. Ce qui est amusant, c’est de savoir ce qu’il y a derrière. Mais bien souvent, comme Proust, nous sommes déçus de ce que nous y trouvons. La surface est peut-être la chose la plus intéressante chez les gens, car c’est là qu’ils mettent le meilleur pied. Le narrateur de « La Recherche » est comme ça. Elle revient toujours à la surface de l’être. En cela, le roman de Proust n’est pas un livre profond. Je ne crois pas à la profondeur : on s’y noie… »

Enfermez-vous avec un livre !                                            

La situation Vous avez été invité à dîner avec des amis pour la troisième fois ce mois-ci. Répondez « oui » automatiquement. Mais, lorsqu’il franchit la porte, vous avez un doute : profitez-vous vraiment de la soirée ?

Le conseil Restez chez vous et lisez Proust ! « Pour lui, la vie sociale la plus intense est celle qui est exposée et recréée dans la littérature. L’art est bien supérieur à la vie réelle. Le monde réel, disons le monde complet, connecté, sans non-sens ni vides, est celui de l’imaginaire. Proust le mondain dut devenir lui-même moine pour écrire son ouvrage. Il y fut aidé : c’est l’asthme qui l’enferma en partie dans sa cage de liège et, en quelque sorte, l’obligea à travailler.

Soyez intelligent avec modération                                                                                         

La situation Hier soir, chez un ami, dans votre précipitation (et à travers le vin russe), vous vous vantiez du dernier livre que vous avez lu, un essai ardu sur la géopolitique russo-ukrainienne. Fait. Certains vous regardaient comme un pédant, d’autres riaient…

Conseils Évitez de montrer votre intelligence. Et, surtout, faites-le au passage. « Chez Proust, malheureusement, ce sont les gens les plus bêtes et les plus brutaux, comme les Verdurini, qui dominent les autres dans la vie sociale, explique Charles Dantzig. L’intelligence l’emporte rarement. Ainsi la bêtise des Verdurini écrase la malheureuse Saniette, plus intelligente qu’eux mais sans répartie ni mal. Proust lui-même écrivait : « Chaque jour, j’attache moins de valeur à l’intelligence ». Mais c’est une intelligence supérieure qui a dit cela ! En fait, tout est affaire de tact : il faut savoir d’adapter ses propos en fonction des circonstances et des personnes. Un dîner réussi est une forme de création parlée et collective. »

Essayez l’art mortel de la flatterie                                            

La situation Vous vous ennuyez un peu à ce dîner. D’autant plus que vos voisins de table sont extrêmement bavards et prétentieux. Comment les soufflez-vous?

Les conseils Faites-vous du miel et des compliments à profusion. « Dans « La Recherche », le narrateur sort de ce genre de situation pour un excès de flatterie qui est pour lui autant de vengeance, explique Charles Dantzig. Il en fut de même pour Proust. Dans certaines de ses lettres, il frappe son destinataire avec une page de louanges. Jusqu’à ce qu’il sache qu’il ne se soucie pas de lui… Il a pratiqué avec plaisir l’art mortel de la flatterie. Rien n’est plus proche de la moquerie qu’un excès de compliments.

« Proust Océan », de Charles Dantzig (éd. Grasset).