Demorand – Comment pallier la pénurie de médecins

CHRONIQUE. Les ordres sanitaires ont publié leurs propositions pour améliorer l’accès aux services de santé. « Transfert de qualification » est le mot-clé.

Connaissez-vous la Clio ? Ce n’est pas un modèle de voiture, c’est l’abréviation de Comité de liaison des institutions ordinales. Cet objet, méconnu du grand public (et sans doute de la majorité des experts de la santé), a jeté un pavé dans la mare jeudi dernier en publiant ses recommandations face au grand problème de la pénurie de médecins. La Clio est une association vieille de 40 ans qui regroupe les ordres religieux des professions de santé, mais aussi ceux des professions juridiques et judiciaires, ainsi que ceux des professions techniques et du cadre de vie.

Le constat est clair : dans certaines régions, il y a une grave pénurie de médecins, généralistes comme spécialistes, et plus de 6 millions de patients n’ont aujourd’hui pas de médecin traitant. L’examen de la pyramide des âges des médecins fait craindre que la prochaine génération ne suffise pas à endiguer l’hémorragie de la retraite. La situation est déjà très tendue dans certaines régions du centre et du nord de la France, où la pénurie de médecins est dramatique, contrairement aux régions très attractives du sud et de l’ouest de la France, où le personnel médical est en pénurie.

LIRE AUSSI Kervasdoué – La réforme de la médecine de ville est une urgence

La fin du tout médecin

« Transfert de compétences » est le maître mot de la révolution proposée par les ordres sanitaires. La logique est la suivante : lorsque des infirmières, kinésithérapeutes ou pharmaciens prennent en charge une partie du travail médical, ces derniers gagnent du temps médical pour leurs patients. Et dans les zones où il y a pénurie de médecins, ces autres professionnels de santé pourraient prioriser l’admission des patients, assurer les soins de première ligne et organiser l’orientation du patient vers un médecin si nécessaire.

À Lire  Sablonceaux : dans la guerre avec son assurance d'avoir...

Le transfert des compétences des médecins vers d’autres professions de la santé est dans l’air depuis plusieurs années, mais les syndicats de médecins ont toujours été confrontés au risque auquel ils perçoivent les patients, à savoir le risque d’erreur de diagnostic. Il y a fort à parier que ces mêmes syndicats s’opposeront fermement à ces propositions, mais la balle est désormais entre les mains du gouvernement, qui doit de toute urgence trouver des solutions à la désertification médicale croissante de notre pays.

LIRE AUSSIEn Vendée, une opération médicale pour tous

Tout a été dit, mais tout reste à faire. Quelles actions pourraient être concernées par ce transfert ? Il existe un précédent qui a résisté à l’épreuve du temps et qui a montré que le travail coordonné pouvait fonctionner, ce sont les orthoptistes qui déchargent les ophtalmologistes d’un certain nombre de tâches. Dès lors, on peut imaginer que des infirmiers pourraient renouveler certaines ordonnances voire prescrire certains médicaments, des kinésithérapeutes pourraient prendre en charge des traumatologies mineures comme les entorses et les lombalgies et fournir des certificats médicaux qui ne constituent pas une contre-indication à la pratique du sport, mais à la seule condition qu’ils peuvent prescrire des analgésiques et s’absenter du travail.

Trois écueils

Comment les médecins vont-ils réagir ? La peur de voir leur monopole pourrait alimenter des syndicats toujours à la recherche de nouveaux membres. Mais les médecins qui sont sur le terrain, débordés et stressés, pourraient saluer cette tendance vers une meilleure division du travail. Cependant, cette petite révolution risque trois écueils : Premièrement, la disponibilité des professionnels de santé (non-médecins), très souvent débordés car eux aussi en situation minoritaire dans certains domaines. Seront-ils capables de gérer la charge de travail supplémentaire ? De plus, la question de leur formation est posée, la prescription de certains médicaments ne peut être autorisée sans une formation solide, qui ne fait pas partie de leur programme de formation initiale et doit faire l’objet d’une remise à niveau substantielle. Enfin, la question des coûts est posée, pour que ces médecins prennent en charge une fraction des prestations médicales, il faut les inciter financièrement à le faire.

À Lire  Gard : MSA et CPAM dans les écoles de santé bucco-dentaire

A LIRE AUSSIAllancien – médecine : le grand bouleversement

Les négociations actuelles entre les assureurs-maladie et les syndicats des travailleurs de la santé ne semblent pas aller dans cette direction, les assureurs-maladie refusant d’écouter les préoccupations des travailleurs de la santé concernant l’inflation alors que peu ou pas de revalorisation de leurs tarifs a eu lieu ces dernières années. L’année 2023 sera peut-être l’année de la révolution, tant pour les acteurs du système de santé que pour les patients, ou l’année de la confirmation du monopole absolu des médecins, au risque de priver les patients de tout contact médical, un impardonnable perte d’opportunité.

Je souscris

Contenu de points illimité

Vous lisez : Demorand – comment pallier le manque de référents

Comment apprendre (ou réapprendre) à voir la vie en rose ? Comment retrouver le plaisir de profiter de l’instant ? Comment ne pas l’interdire ? On s’interdit souvent de vivre aujourd’hui pour mieux espérer un hypothétique lendemain… D’où l’intérêt de lire les auteurs présentés dans ce numéro spécial.