Etudes scientifiques favorables, égéries bankables, la tendance « bien-être » : chronique du succès…

L’image controversée du cannabidiol semble appartenir au passé. Depuis la décision historique de la CJUE en faveur de la molécule en novembre 2020, le cannabidiol, ou CBD, fait des émules chez les amateurs de produits « santé et bien-être » en France et dans les pays européens. Chronique d’une success story aux multiples rebondissements.

Il était une fois, le CBD et la Reine Victoria

Bien que son support soit très frais, le CBD ravit les amateurs de bien-être et de détente depuis plusieurs décennies. La première utilisation documentée d’une drogue dérivée du cannabis remonte à 2737 av. J.-C., lorsque l’empereur chinois Sheng Neng buvait du thé infusé à partir de la plante Cannabis L. Sativa pour soulager les symptômes des rhumatismes et de la goutte.

Malgré des siècles d’usage thérapeutique aux quatre coins de la planète (le cannabis pousse un peu partout), il faudra attendre 1839 pour que des recherches scientifiques rigoureuses mettent en évidence l’intérêt médical du cannabis. Dans ce travail de recherche controversé à l’époque, le chercheur irlandais William B. O’Shaughnessy estime que le cannabis est intéressant pour l’anesthésie, la sédation et donc le soulagement des douleurs aiguës ou chroniques.

Cette première tentative de la communauté scientifique pour comprendre l’engouement des civilisations anciennes pour le cannabis ne s’arrêtera pas là. En 1940, alors que les cauchemars de la Seconde Guerre mondiale s’abattent sur le Vieux Continent, le chimiste américain Roger Adams entre dans l’histoire en isolant les deux principales molécules qui composent le cannabis : le cannabidiol (CBD) et le tétrahydrocannabinol (THC). Outre la prouesse technique de l’époque, cette découverte permettra de mieux étudier l’effet « high » du cannabis et sa cause exacte : le THC. L’enjeu est énorme : profiter des effets antalgiques, anti-inflammatoires et apaisants du cannabis sans aucun risque psychotrope et sans accoutumance grâce au CBD (et donc sans THC).

Les travaux du professeur Devinsky et le ministère français de la Santé

Fait intéressant, cette grande percée scientifique ne déplacera pas nécessairement les frontières dans la seconde moitié du XXe siècle. Ce n’est qu’à la mi-2010 que les recherches ont repris, en partie grâce au professeur Orrin Devinsky, éminent scientifique et chef de file de la recherche sur les neuropathies dites « résistantes » ou « résistantes aux médicaments ».

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CBD et épilepsies réfractaires : un nouvel espoir pour les patients ?

En collaboration avec l’équipe du NYU Comprehensive Epilepsy Center, le professeur Devinsky mène deux essais cliniques en 2017 et 2018 qui donneront de l’espoir aux patients souffrant d’épilepsie résistante aux thérapies disponibles :

Dans les deux études, les effets secondaires ont été décrits comme « légers » et « passagers », principalement avec des troubles du passage. Le fait que le CBD soit relativement bien toléré par les enfants suggère une tolérance raisonnable chez les adultes, à condition que la supplémentation soit prescrite et supervisée par un médecin. Les recherches du professeur Devinsky ont ouvert la voie à de nombreux essais cliniques de plus grande envergure, notamment en France, sous l’égide du Ministère de la Santé et des Solidarités.

Le ministère de la Santé et l’ANSM : première « grande » étude sur le CBD au monde ?

Malgré un grand intérêt scientifique, la recherche qui s’est concentrée sur le CBD a jusqu’à présent souffert de petits échantillons, voire anecdotiques. C’est sans doute ce qui a poussé le Ministère de la Santé et des Solidarités à annoncer une grande expérimentation en mars 2021 pour évaluer l’intérêt thérapeutique du CBD, impliquant plus de 3 000 patients à travers la France.

C’est l’Agence de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui a développé les indications de l’étude :

« En tant que médecin, en tant que ministre, je suis fier que la France puisse expérimenter l’usage médical du cannabis et ainsi mieux accompagner des milliers de patients qui souffrent de pathologies graves », a notamment déclaré Olivier Véran, alors ministre de la Santé.

Les premières conclusions de cette étude à grande échelle sont attendues début 2023 et devraient apporter un nouvel éclairage sur la valeur médicale du cannabidiol.

Le marché français du CBD prospère malgré l’incertitude juridique

La filière CBD française (et même européenne) est née fin 2020, lorsque la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt favorable dans l’affaire Kanavape. Dans cette affaire, le législateur a conclu que le cannabidiol n’est ni une drogue ni une drogue. Par conséquent, il peut être librement transporté et vendu dans les pays de l’UE sur la base de la libre circulation des marchandises. Depuis, les magasins spécialisés dans les produits CBD ont fleuri, passant de 400 en 2020 à plus de 2 500 en 2022.

Selon l’Interprofession du cannabis (Interchanvre), la France compte près de 7 millions de consommateurs réguliers ou occasionnels de produits à base de cannabidiol, soit plus de 12% de la population française. Malgré un certain engouement, la demande en France reste inférieure à la moyenne européenne d’environ 16 %.

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Face à l’appétence des français pour cette molécule non addictive et non psychotrope extraite du cannabis, les professionnels construisent leurs structures et rivalisent d’ingéniosité pour se démarquer. Si en 2020 ils proposaient principalement des fleurs, des feuilles et des huiles au CBD, les magasins spécialisés ont considérablement élargi leur offre avec des boissons énergisantes, du chocolat, des chewing-gums, de la cire, de la résine, des cristaux, des e-liquides ou encore des aliments pour animaux au cannabidiol.

Pour faire le plein de CBD, les consommateurs français n’ont désormais que l’embarras du choix : magasins spécialisés dans les produits au cannabidiol, magasins spécialisés dans les produits de bien-être naturels, magasins de e-commerce, etc. Dès février 2022, les consommateurs pourront même faire leurs courses dans les grandes surfaces.

Pour promouvoir sa gamme de produits au cannabidiol, Monoprix a par exemple lancé le « CBD Truck » en région parisienne. Objectif : Éduquer les gens sur leur intérêt pour les compléments alimentaires au cannabidiol et dissiper les idées fausses sur sa toxicité, ses effets secondaires et son côté psychotrope. Carrefour et E. Leclerc ont également investi le marché, multipliant leur partenariat avec des marques françaises qui proposent des compléments alimentaires et des cosmétiques au cannabidiol.

Ces égéries qui « poussent » le CBD en Occident

Depuis que l’Agence mondiale antidopage (AMA) a retiré le CBD de la liste des produits interdits en compétition, de nombreux athlètes ont publiquement qualifié le CBD de « superaliment ».

La molécule est principalement utilisée pour soulager les douleurs musculaires et les raideurs articulaires et améliorer le cycle de sommeil des sportifs grâce à son effet apaisant. Voici quelques grands noms parmi les amateurs de CBD :

Malgré les signes positifs, l’industrie française du CBD continue de faire face à une incertitude juridique cachée. En effet, le 30 décembre 2021, un arrêté ministériel est apparu interdisant la commercialisation et la consommation de feuilles et fleurs de CBD pur.

Cette décision a suscité la colère des professionnels du secteur alors que ces produits pèsent entre 60 et 80 % dans leur chiffre d’affaires. Trois semaines plus tard, le Conseil d’État suspendra provisoirement l’interdiction, la qualifiant de « disproportionnée » et « déraisonnable ». En attendant une décision finale, l’industrie du CBD est toujours en vue.