Selon Olivier Parenteau du Maklerzentrum Schweiz, la hausse des primes d’assurance maladie en 2023 sera renforcée par la nécessité de rattraper son retard.
Alors que l’automne n’a pas encore commencé, de nombreux experts et organisations ont déjà fait leurs prévisions sur l’augmentation des primes d’assurance maladie en Suisse l’année prochaine. Qu’apporte 2023 en termes d’évolution des primes d’assurance maladie ? Et quelles sont les stratégies de l’assureur pour fidéliser sa clientèle ? Point avec Olivier Parenteau, membre du conseil d’administration du Maklerzentrum Schweiz AG à Bâle.
« Tout le monde cherchait à retarder les interventions médicales jusqu’en 2021 voire début 2022. Tôt ou tard, il faudra rattraper le retard. »
Au cours de l’été, diverses prédictions sur les futures augmentations des primes d’assurance maladie en 2023 sont déjà apparues. Début août, la société de conseil Accenture, citée par NZZ am Sonntag, prévoyait par exemple une hausse des primes d’au moins 5,4% en moyenne pour 2023, alors que certains organismes n’hésitaient pas à évoquer des hausses de plus de 10% , ce qui est normal dans certains cantons. Qu’en pensez-vous en tant qu’expert des solutions d’assurance dans le secteur privé ?
Je m’attends à ce que la croissance soit bien supérieure au niveau de 5 % indiqué pour la première fois par diverses sociétés d’analyse au début de l’été. Certes, la croissance des primes en Suisse ne pourrait s’élever qu’à un peu plus de 5% en moyenne. Pour certaines caisses et dans certains cantons, on peut, à mon avis, facilement atteindre près de 10% d’augmentation des primes. Deux facteurs y contribueront : d’une part, tout le monde a demandé le report des interventions médicales jusqu’en 2021, et même jusqu’au début de 2022. Tôt ou tard, ils devront rattraper leur retard. D’autre part, au niveau politique, divers groupes ont fait pression sur les assureurs-maladie pour réduire leurs réserves. Au départ, cela a aidé à maintenir les primes à un niveau bas. En 2022, de nombreux assurés pourraient payer les mêmes primes qu’en 2021, voire moins dans certains cas. Ce n’est pas tenable dans le temps.
« D’abord, les assureurs-maladie veulent garder leurs clients. Pour y parvenir, ils doivent leur offrir certaines choses positives, et pas seulement leur parler de maladies ou d’accidents. »
Si on aborde la question d’un point de vue purement mathématique, on constate que les primes augmentent en moyenne sur la durée d’environ 3% par an. En deux ans, 2020 et 2021, il y a eu des augmentations de primes inférieures à cette moyenne. Rien qu’en considérant la rémunération de ces deux années, vous pouvez déjà vous attendre à une augmentation de près de 6 %. Et en ajoutant 3 % de majoration annuelle supplémentaire, vous arrivez à environ 9 % pour 2023. La marge de manœuvre de l’assurance sera donc assez limitée cette année.
Une proposition qui revient ponctuellement pour limiter l’augmentation des primes d’assurance maladie serait de réduire le périmètre des prestations de l’assurance de base afin de placer certaines prestations dans les assurances complémentaires. Qu’est-ce que tu penses?
Politiquement, il ne semble pas réaliste d’aller dans cette direction. Vous ne pouvez pas, par exemple, inclure certaines prestations liées à la médecine palliative dans l’assurance de base et certaines autres dans l’assurance complémentaire. À mon avis, la direction la plus intéressante est celle appelée le modèle intégral de gestion de la clientèle. Il arrive parfois que certaines personnes se rendent un jour au Centre de Santé pour un examen pour une chose, et après quelques jours elles y reviennent pour un autre examen lié à autre chose, et il n’y a pas de coordination entre les deux dates. Tous ces tests et interventions devraient être bien mieux coordonnés par une sorte de « gatekeeper » qui pourrait superviser tous ces examens. Certaines consultations médicales avec des médecins ou des centres pourraient être évitées grâce à une meilleure coordination au début du processus, par exemple en s’appuyant sur un modèle comme « Multi Access ». De cette manière, l’assuré contacte le « gatekeeper » de son choix ; il peut s’agir d’une première consultation auprès d’un centre de télémédecine, d’un médecin de famille habituel ou d’une pharmacie partenaire.
« A mon avis, l’assurance maladie ira dans le sens d’une offre plus diversifiée. »
De plus, il y a toujours un certain nombre de consultations complètement inutiles qui peuvent être évitées. Par exemple, après trois jours d’absence d’un salarié, l’employeur lui demandera un certificat médical. Cela ne rapporte souvent rien, mais génère beaucoup de dépenses durant l’année.
Si les primes augmentent significativement en 2023, comment les mutuelles vont-elles retenir leurs assurés ?
La tendance générale est que tous les acteurs du secteur cherchent de plus en plus à proposer toutes sortes de services. Les assureurs-maladie ont compris qu’ils devaient se positionner dans différents domaines afin de fidéliser leurs clients. Certains d’entre eux incluent par exemple l’assurance voyage dès le départ dans l’assurance maladie, d’autres proposent des avantages qui dépassent le domaine de la santé au sens strict.
Les assureurs-maladie offriront-ils demain des prestations dans le domaine des retraites, par exemple ?
Certains le font déjà pour certaines prestations telles que l’assurance du troisième pilier. Les assureurs-maladie veulent avant tout garder leurs clients – et pour cela, ils doivent leur offrir certaines choses positives, et pas seulement leur parler de maladies ou d’accidents. C’est le meilleur moyen d’établir une relation à long terme avec le client. Une autre raison d’aller dans cette direction est que de nombreux assureurs disposent désormais de leur propre service externe. Avant 2019, de nombreuses caisses maladie n’avaient plus de service externe – aujourd’hui beaucoup en ont. Tant qu’un tel service externe existe, il est préférable que l’assureur l’utilise pour fournir toutes sortes de services et de prestations.
Cette tendance profitera-t-elle également aux clients ?
À mon avis, oui, car de nombreux utilisateurs ne veulent pas du tout avoir dix assureurs différents pour dix services. Pour de nombreux clients, la logique est antérieure : je paie la prime et ensuite tout est réglé. L’assurance maladie, à mon sens, ira dans le sens d’une offre plus diversifiée.