Cédric Pironneau et Jérémy Sebag publient « Idées reçues sur l’assurance » aux éditions Cavalier bleu.
Bonnes feuilles

Cédric Pironneau et Jérémy Sebag publient « Idées reçues sur l’assurance » aux éditions Cavalier bleu. Les compagnies d’assurances nous accompagnent au quotidien et pourtant nous en avons souvent une connaissance incomplète. Ils nous paraissent techniques et déshumanisés, d’autant plus que lorsque nous les demandons, cela signifie qu’un problème plus ou moins grave s’est produit… Extrait 2/2.
Avec le sentiment de « payer trop cher », le sentiment d’être mal remboursé est l’autre « face » des personnes qui se disent insatisfaites de leur mutuelle. Alors les mutuelles françaises remboursent-elles mal ? Répondre à cette question est complexe car il y a presque autant de contrats d’assurance que d’assurés. Évidemment le taux de remboursement dépend du contrat souscrit par l’entreprise, qui peut être plus ou moins généreux. Cela dépend aussi du coût de l’acte médical réalisé, dont on a vu qu’il pouvait être très différent selon l’endroit où l’on habite, mais aussi du médecin que l’on choisit librement (certains dépassent les honoraires, d’autres pas).
Bref, il n’y a pas de règle générale quant au remboursement, mais une possibilité quasi infinie de situations qui peuvent évoluer tout au long d’une vie, selon les changements de carrière, les déménagements, les aléas conjugaux et autres. les « pépins » de santé ainsi que les choix de l’assuré à la fois en tant que « consommateur » de soins (en supposant qu’il souhaite voir des spécialistes qui surfacturent leurs honoraires) et en tant qu’assuré (combien est-on prêt à payer pour couvrir risques pour la santé ?)
Si certaines personnes estiment devoir bénéficier de meilleurs remboursements, en plus de ceux proposés par le contrat souscrit par leur entreprise, elles peuvent souscrire à un « complément complémentaire ». Une complémentaire santé est donc un complément à la complémentaire santé. Son objectif est de mieux rembourser les dépenses telles que les frais optiques ou dentaires, les dépassements d’honoraires ou les « médecines alternatives » (acupuncture, homéopathie, hypnose, kinésiologie, ostéopathie, etc.).
L’intérêt pour les salariés est de consolider la prise en charge de leurs frais de santé grâce à un troisième niveau de garantie, le premier niveau étant l’assurance maladie et le second étant la complémentaire santé entreprise.
Prenons un exemple concret : un salarié se fait poser une couronne dentaire pour laquelle il paie 580 euros avec une assiette de remboursement de la Sécurité Sociale (BR) de 107,50 euros, remboursée à 70% de la BR, soit 75,25 euros pour la couverture sociale. La compagnie complémentaire propose un remboursement fixé à 130% du BR, soit 139,75 euros (130% de 107,50 euros). Soit un remboursement de la Sécurité sociale et de la mutuelle qui s’élève à 215 euros. La charge restante (que l’employé doit payer de sa poche) sera de 365 euros. Mais s’il a souscrit un contrat complémentaire, il peut encore réduire cette charge restante. Imaginons que ce contrat complémentaire complémentaire prévoit une garantie de 225% plus un forfait de 100 euros, l’assureur lui versera donc un maximum de 241,87 euros à ce titre (225% du BR de 107,50 euros + 100 euros forfait = 341,87 euros). Enfin, sa charge restante ne sera que de 23,13 euros. Bien sûr, pour bénéficier de cette couverture complémentaire, il faut cotiser davantage : bénéficier d’une meilleure couverture est aussi un choix personnel et dépend de l’aversion au risque de chacun.
De plus, l’Etat a imposé par la loi (avec des contrats dits « responsables ») le blocage du montant maximum de remboursement à deux fois la base (BR) pour tenter de limiter la croissance des dépenses de santé. Ce choix revient à l’Etat, pas aux mutuelles. Ainsi, par exemple, cette mesure étant nationale, le coût du reste à payer est mécaniquement plus élevé pour les citadins (dont les dépassements sont plus fréquents) que pour les ruraux. Ainsi, avec ces contrats, les remboursements couvrent 100% de l’assiette de la Sécurité Sociale, mais pas 100% des soins dont les montants dépassent souvent ces montants (spécialistes, optique, dentaire, etc.). 100% de l’assiette, donc, mais pas 100% du coût réel, ce qui peut engendrer confusion, incompréhension, voire frustration de la part de certains assurés qui peuvent avoir le sentiment que la promesse de remboursement n’a pas été tenue.
Le système français permet également d’avancer la plupart des frais de santé (un patient sur 8 sort de l’hôpital sans avoir à débourser un sou, par exemple, et la présentation de la carte vitale et de son attestation d’assurance suffit la plupart du temps à être remboursé directement sans avoir à avancer un seul euro au préalable !). Cependant, ce système efficace et généreux a un inconvénient : il ne permet pas aux assurés de savoir combien coûtent réellement les soins ou les actes qu’ils reçoivent. Cela peut générer un rapport faussé au prix, et donc au remboursement.
Ainsi, prenons l’exemple d’une personne hospitalisée cinq jours pour une intervention chirurgicale (pas complexe et se déroulant correctement) dans une clinique conventionnée. Ce séjour a un coût réel de 6 699 euros (chirurgie comprise). Sur ce montant, la Sécurité sociale prend en charge environ les deux tiers du coût, soit 4 346 euros, soit la plus grosse part des frais d’hospitalisation et de chirurgie. Si le patient ne bénéficiait d’aucune complémentaire ou surcomplémentaire, il devrait donc s’acquitter personnellement de 2 353 euros à la sortie de l’hôpital, soit tout ce qui n’est pas pris en charge par le régime général (ticket modérateur, franchise, forfait journalier, chambre individuelle et les frais de confort tels que la télévision, etc.). Autrement dit, sans mutuelle, un séjour hospitalier serait ruineux, mais le patient en est rarement conscient car, s’il est bien assuré, il n’a pas besoin de sortir sa carte bancaire en sortant de l’établissement de santé. Cette impression erronée de gratuité ne permet pas de se rendre compte de l’ampleur du remboursement pris en charge par la Sécurité Sociale et complémentaire.
Enfin, deux populations sont moins bien couvertes que la moyenne : les retraités et les fonctionnaires. Les retraités sont couverts par la loi Évin qui leur donne le droit de conserver le même contrat dont ils bénéficiaient lorsqu’ils étaient encore actifs (avec les mêmes droits et les mêmes cotisations). À partir de la deuxième année de retraite, les cotisations peuvent augmenter. Et, après trois ans, la contribution est gratuite. Cette loi est critiquable : alors que la consommation médicale est double à 72 ans qu’à 42 ans (et que les problématiques de santé sont différentes : grossesse par exemple), il n’y a guère de sens (pour l’assureur comme pour l’assuré) à conserver les mêmes garanties et les mêmes remboursements. Pourtant, on pourrait imaginer un système de cotisations pendant la vie active pour financer la prise en charge des frais de santé qui explosent à la retraite.
Les fonctionnaires viennent de bénéficier d’un remboursement de leurs cotisations complémentaires santé de 15 euros par mois, versées par l’Etat ou les collectivités concernées, depuis 2022. Un montant bien inférieur au coût réel des complémentaires. Ce remboursement est un premier pas vers la couverture de la mutuelle qui sera portée à 50% à compter du 1er janvier 2024. En cela, ils bénéficient aujourd’hui d’un régime moins favorable que les salariés du secteur privé. Jusqu’à présent, c’était un choix du patronat d’Etat, qui ne s’imposait pas les règles qu’il édictait pour les patrons privés.
Cependant, la tendance générale est nettement à la baisse du montant à charge : entre 2009 et 2020, le montant à charge des ménages est passé de 15,6 milliards d’euros à 13,6 milliards d’euros, soit une baisse de -12,8 %, tandis que la CSBM (agrégat central des comptes de la santé qui représente la valeur totale des biens et services consommés pour répondre aux besoins individuels de santé) a augmenté de +23 % sur la même période (+17 % en tenant compte de la croissance démographique). Ainsi, le reste à la charge des ménages est passé de 244 euros par habitant en 2009 à 202 euros par habitant en 2020, soit une baisse de -17%, selon une étude de l’Institut national de la consommation.
Ce reste à charge en France est aussi le plus faible de tous les pays de l’OCDE.
Ainsi, la France est championne du monde de la couverture santé. La générosité des assureurs et des mutuelles n’y est pas pour rien.
Extrait du livre de Cédric Pironneau et Jérémy Sebag, « Idées reçues sur l’assurance », paru aux Editions du Cavalier bleu
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