Quelle est la cause profonde de l’inflation ? Est-ce monétaire ou énergétique ? L’inflation s’arrêtera-t-elle un jour ? Faut-il investir son épargne dans le Bitcoin ?
Dette et Énergie
Matthieu Auzanneau, directeur du Shift Project, soutient que le déclin du pétrole conventionnel, d’abord aux États-Unis à partir de 1970 puis dans le monde en 2008, est à l’origine des crises de 1973 et 2008.
La pénurie de la reine des énergies serait responsable de l’avalanche précipitée de dettes. Les fruits des branches basses récoltés, le naphta restant devient de plus en plus cher à extraire.
Cette analyse contredit l’idée générale selon laquelle l’inflation est uniquement une question monétaire. A ce titre, le graphique suivant est souvent diffusé pour étayer cette thèse :
Certains pensent que la décorrélation entre salaires et productivité (PIB/nombre d’heures travaillées) est liée à la fin de l’étalon-or en 1973, qui aurait permis aux États-Unis de s’endetter. L’inflation qui en résulterait aurait artificiellement gonflé le PIB, ce qui expliquerait l’écart croissant entre la productivité (PIB) et les salaires.
C’est une idée, mais une autre explication émerge si l’on se penche sur l’origine de la productivité. Cette dernière provient principalement de l’utilisation de machines qui ont besoin d’énergie pour fonctionner.
Une énergie plus chère, également achetée à l’étranger, suffirait à expliquer cette décorrélation. Cela tombe bien puisque c’est précisément ce scénario qui a frappé les États-Unis à partir de 1970 et le monde en 2008.
Pétrole et inflation
Matthieu Auzanneau explique sur son blog OilMan que le pétrole est LE facteur limitant qui a conduit à l’inflation, aux crises de 1973/2008 et finalement à l’avalanche de dettes.
« La cause primordiale et commune des deux plus graves crises de ces cinquante dernières années me semble être l’atteinte d’une limite et le franchissement d’un seul et même seuil sans retour dans l’accès au carburant principal du régime actuel de croissance : le pétrole. »
M. Auzanneau ne nie pas la réalité de la bulle immobilière des années 2000. « Les bulles ne cessent de se former. Tous n’explosent pas », a-t-il écrit.
En fait, de nombreux ménages avec un mauvais crédit attirés par des taux variables malhonnêtes n’ont pas pu payer leurs factures après que la Réserve fédérale a augmenté leurs taux :
« La suggestion, le resserrement qui a évidemment fait éclater la bulle des subprimes était la hausse des taux de référence de la Fed entre juin 2004 et juillet 2006, qui a conduit à des défauts de paiement massifs. »
Oui, mais pourquoi la Fed a-t-elle relevé ses taux au risque d’étrangler des millions d’Américains ?
Parce que l’inflation montait en flèche. Et quelle était la principale raison de l’augmentation de l’inflation ?
Le coût de l’énergie
C’est ce que la Fed soulignera systématiquement le moment venu : la hausse du prix du pétrole amorcée au milieu des années 2000.
Le prix du baril a doublé en deux ans, passant d’environ 30 dollars en 2004 à plus de 60 dollars en 2006. Il a atteint 120 dollars durant l’été 2008.
La contribution des coûts de l’énergie à l’inflation de 2003 à 2008 était « d’environ 40 % en moyenne ». M. Auzanneau souligne également que l’inflation a non seulement contraint la Fed à relever ses taux, mais a également directement impacté la solvabilité de millions de ménages.
D’abord ceux qui vivaient loin du centre des villes (en raison des trajets en voiture longs et coûteux). Puis toute l’économie, frappée par un prix du pétrole cinq fois plus élevé que d’habitude. Ce choc inflationniste obligera de nombreuses entreprises à braconner, provoquant davantage de défauts de paiement sur les prêts hypothécaires.
Pour le directeur du Shift, « le prix du pétrole est responsable d’un violent pic inflationniste inattendu, qui à son tour a provoqué la réaction brutale et inattendue de la Fed ».
Ainsi, la racine du mal serait la « fin du pétrole facile » due à « l’évolution naturelle des gisements pétroliers souterrains ». C’est cette restriction naturelle qui provoque l’inflation.
La fin du pétrole pas cher
Après avoir pratiquement stagné entre 2004 et 2008, c’est-à-dire pendant toute la période de hausse des prix, la production mondiale de pétrole conventionnel a finalement atteint son pic en 2008. Sachant que ce pétrole « conventionnel » (peu cher à extraire) représentait alors 90% de production pétrolière mondiale.
Loin d’être nouveau, ce phénomène inexorable est lié à la baisse des découvertes annuelles de pétrole conventionnel. Il a même été prévu avec précision :
« Déduisant les implications physiques, techniques et finalement industrielles de ces symptômes, alors déjà anciens, deux éminents experts pétroliers, le Britannique Colin Campbell et le Français Jean Laherrère, annoncent le pic de 2008 dès 1998, et prédisent même sa date exacte. . »
De nombreuses grandes régions productrices de pétrole conventionnel ont décliné au cours des années 2000. Notamment, «les puits de la mer du Nord en 2000, du Mexique en 2004 et de tout le continent africain en 2008».
C’est la fin du pétrole facile qui remplacera les biocarburants, les pétroles lourds coûteux (Canada et Venezuela) et autres huiles de schiste. Le « miracle » du pétrole de schiste a permis aux États-Unis de doubler leur production de brut, qui atteint aujourd’hui 11 millions de barils par jour.
C’est cette offre supplémentaire qui a calmé le prix du pétrole (40 $ le baril en 2015) et qui va permettre à l’économie mondiale de repartir.
Ce tableau parle de lui-même :
Quel impact pour le dollar ?
La principale conséquence de la baisse de la production pétrolière aux États-Unis a été l’expansion de sa balance commerciale, puisqu’il a fallu acheter du pétrole à l’étranger.
Ce déficit va encore s’aggraver à partir des années 2000 avant d’être absorbé par l’huile de schiste. L’Oncle Sam accuse toujours un déficit cumulé de 15 000 milliards de dollars depuis 1970, date à laquelle il a culminé dans la production de pétrole :
Le lecteur intéressé se demandera sans doute pourquoi le taux de change du dollar n’a pas chuté en même temps que ce gigantesque déficit commercial. La raison peut se résumer en un mot : Pétrodollar.
Les États-Unis ont réussi à convaincre l’Arabie saoudite et l’OPEP en 1975 de vendre leur pétrole exclusivement en dollars et de recycler une grande partie de leurs excédents commerciaux (« pétrodollars ») en dette américaine.
Le pétrole étant la principale source d’énergie indispensable à toute nation industrialisée, le dollar s’est imposé comme la monnaie internationale par excellence.
En cours de route, les pays excédentaires ont désormais investi 7 000 milliards de dollars dans la dette publique américaine (31 000 milliards de dollars au total, dont 6 000 milliards de dollars rachetés par la Réserve fédérale).
C’est tellement d’argent qu’il retourne dans l’économie américaine et maintient le taux de change du dollar à flot.
Mais tout est payé pour une journée. Le sevrage de l’Amérique ne sera que plus violent lorsque les nations cesseront d’acheter la dette américaine.
C’est précisément la voie que le monde a empruntée depuis le début de la guerre en Ukraine. De nombreux pays profitent de la démonstration de force russe pour s’écarter du dollar.
Et à la fin, c’est l’hyperinflation
Le pétrole est la reine des énergies. Sa densité énergétique en a fait le carburant de 94 % des transports mondiaux. Sans oublier le plastique que l’on retrouve désormais partout.
Malheureusement, compte tenu de la baisse croissante de la production de pétrole, des découvertes de plus en plus bon marché et du pétrole de schiste qui semble atteindre un pic, le pétrole pourrait avoir atteint un pic en 2019. Une inflation que seule une récession peut ralentir.
L’avenir s’annonce sombre pour l’Europe, dont la production de gaz naturel et les importations de pétrole déclinent depuis vingt ans.
En fait, il est difficile d’augmenter la productivité avec moins d’énergie. Et produire moins signifie que la dette et ses intérêts ne seront pas payés. C’est la fin de la fiat ponzi basée sur le mythe de la croissance infinie.
La solution trouvée depuis 2008 est de faire fonctionner l’imprimerie. Mais c’est une course effrénée. Elle se terminera par une hyperinflation suivie rapidement de défauts de paiement. Comme après la Seconde Guerre mondiale…
Augmenter les taux d’intérêt ne servira à rien. La raison en est que le service de la dette va exploser, forçant davantage la République de Weimar à s’endetter.
Bitcoin n’offre pas de solution contre les pénuries d’énergie. Mais il n’est pas soutenu par un ponzi de plusieurs centaines de billions de dollars qui dépend absolument de notre production d’énergie.
Face à l’hyperinflation imminente dans le contexte de la guerre mondiale, Bitcoin offre un refuge non censuré, apatride et anti-inflationniste.
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Reportage journaliste sur la révolution Bitcoin. Mes articles traitent du bitcoin à travers des prismes géopolitiques, économiques et libertaires.