La Chine : un géant économique vulnérable

Coup de frein : la Chine a vu sa croissance économique ralentir au deuxième trimestre pour atteindre sa pire performance depuis 2020, en raison de restrictions sanitaires et d’une crise du logement qui ont sévèrement pénalisé l’activité. Et ce alors que le président Xi Jinping sera réélu à la tête du Parti communiste à l’automne. La Chine se dirige-t-elle vers une récession ? Quelles implications cela pourrait-il avoir pour la stabilité politique du pays et l’économie mondiale ?

Les Matins accueillent Mary-Françoise Renard, économiste, professeure à l’Université de Clermont-Auvergne, responsable de l’Institut de recherche sur l’économie de la Chine (IDREC), et Françoise Nicolas, économiste, directrice du Centre Asie de l’Institut français de Relations Internationales (IFRI).

Des secteurs fragiles rattrapés par leur légèreté

Des secteurs fragiles rattrapés par leur légèreté

En Chine, des centaines de milliers de propriétaires refusent de payer leur hypothèque. « Au fond, il y a une grave crise du secteur immobilier, très endetté et dans lequel les entreprises ont été mal gérées. Les dirigeants des entreprises ont investi dans les voitures, le football… Du coup, le secteur est en crise d’endettement. et de nombreuses entreprises ne peuvent continuer à financer la construction de bâtiments », explique Mary-Françoise Renard. Bien que le gouvernement chinois ait pris des mesures pour assainir le secteur immobilier en limitant la capacité d’emprunt des entreprises, les effets cumulés de la crise entraînent toujours d’importants retards de construction.

A cela s’ajoute un secteur bancaire chinois fragile qui n’hésite pas à recourir à des pratiques trompeuses pour empêcher les particuliers de retirer leur épargne, selon Mary-Françoise Renard. Alors les clients qui voulaient se joindre à une attroupement là où se trouvait leur banque ont été refoulés car leur code Covid était invalide… Le gouvernement chinois, sous pression, a promis de faire la lumière sur l’événement. « Il existe un certain nombre de banques en Chine avec très peu d’expérience en matière de prêts et, d’autre part, une corruption importante, c’est pourquoi le gouvernement a demandé une enquête. » Si l’argent ne manque pas dans l’économie chinoise, les tensions alimentent la méfiance de certains secteurs vis-à-vis de l’État et empêchent les consommateurs de se projeter dans l’avenir.

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Les risques économiques ne font rien pour aider les inégalités et le déficit de redistribution observés dans l’économie chinoise. « La baisse des inégalités observée surtout au début des années 2000 était le résultat de la croissance économique, et non de politiques de redistribution. Aujourd’hui, la croissance ralentit, la redistribution reste minimale et le niveau de vie évolue en conséquence ». Alors que le gouvernement fait pression pour des réformes structurelles, le déficit de la consommation intérieure se traduit par un excédent commercial de plus en plus important : « En juillet, l’excédent commercial de la Chine s’est encore creusé, et c’est parce que la consommation intérieure est insuffisante. L’excédent commercial de la Chine reflète le déséquilibre intérieur entre la consommation et investissement. . »

L’économie asiatique se replie sur elle-même

L'économie asiatique se replie sur elle-même

Pour Françoise Nicolas, le ralentissement de l’économie chinoise aura peu d’effet sur les entreprises françaises, qui y exportent peu. « Mais cela peut affecter négativement d’autres partenaires européens, à commencer par l’Allemagne. Si on n’arrive plus du tout à exporter vers la Chine, c’est quand même un gros marché qui disparaît. » Alors que les investissements chinois dans le monde déclinent, la Chine se replie dans son voisinage immédiat : « Ce que l’on assiste, c’est à un certain nombre de délocalisations d’entreprises chinoises vers le reste de l’Asie. On assiste à une réorganisation des circuits avec une Asie de plus en plus La tendance est très claire : les Chinois sont beaucoup plus actifs en Asie du Sud-Est qu’auparavant. – Françoise Nicolas

Le découplage financier entre les Etats-Unis et la Chine semble également se confirmer puisque cinq géants chinois ont quitté la Bourse de New York, tirant la conséquence de leur incapacité à communiquer leur structure actionnariale à la police boursière américaine. Un phénomène qui ne se limite pas au cas sino-américain, selon Mary-Françoise Renard : « On assiste, au niveau mondial, à une régionalisation de l’économie. L’Europe s’interroge aussi sur la possibilité d’une politique industrielle européenne pour pour affirmer son indépendance vis-à-vis de la Chine et des États-Unis. »

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