Publié le 2 janvier 2023 à 12 h 42 Mis à jour le 2 janvier 2023 à 14h50
La fin d’une longue guerre, et le possible début d’une ruée vers l’or vert en Nouvelle-France. Le 29 décembre, le Conseil d’État a officiellement suspendu l’interdiction de commercialisation du cannabidiol (CBD) – les fleurs et les feuilles de chanvre les plus abondantes.
Il est reconnu pour ses qualités relaxantes, mais contrairement au THC, non psychotrope et non addictif, la molécule du cannabis est plébiscitée en France.
Le marché français pèsera à lui seul selon certaines estimations jusqu’à 300 millions d’euros par an, soit la moitié des fleurs. Or, l’arrêté du 30 décembre 2021 qui autorise et réglemente l’exploitation et la commercialisation du CBD sous forme d’huile ou sous une forme quelconque, interdit les fleurs crues si elles sont sous forme de tisane ou de cigarettes. Cette interdiction, décidée par le gouvernement il y a un an, a plus ou moins bloqué le marché, même si elle a été immédiatement attaquée et suspendue.
Des investissements gelés pendant un an
L’attente de la décision finale a créé une incertitude pour les hommes d’affaires et bloqué la possibilité de financement, de banque et de fonds d’investissement qui ne se risquent pas dans une entité juridique contestée.
« On devrait voir apparaître des mastodontes dans les mois à venir, qui profiteront de l’immense marché intérieur français et de l’appellation Made in France pour se lancer dans d’autres pays européens dans le bon sens », espère ainsi Ludovic Rachou, président de l’Industrial Association pour la Valorisation des Extraits de Chanvre (Uivec).
Certains n’ont pas attendu cette décision. La High Society Company, fondée à Marseille, exploite déjà 200 magasins CBD en France, en Allemagne et en Italie, dont 170 franchisés, avec 21 millions d’euros (franchises comprises).
Cependant, aucun de ses produits ne provient de fermes françaises. « Nous vendons essentiellement des fleurs de cigarettes, et la clientèle est majoritairement des fumeurs de cannabis, habitués aux standards californiens. Les fleurs produites en France n’ont pas cette qualité, et sont trois fois plus chères ! », souligne Mao Aoust, le fondateur de l’entreprise. .
La France armée pour le marché des extraits
Du coup, c’est plutôt vers le marché (pétrole, cartouches de vapotage, etc.) que la filière française a une carte à jouer dans un futur proche. Si certains paliers sont très contraignants, notamment pour les producteurs, « l’industrie agroalimentaire en France est très performante. Ajoutez à cela le secteur cosmétique, où plusieurs marques ont commencé à s’intéresser au CBD, et vous avez la recette du succès ah, » a déclaré Ludovic Rachou.
De plus, cette industrie peut bénéficier des exploitants de 21 700 hectares plantés en France pour sa fibre (utilisée dans l’industrie textile et l’isolation), ce qui fait de la France le premier producteur en Europe. « Jusqu’à aujourd’hui, les producteurs de chanvre français ne peuvent toujours pas produire du CBD librement. Ils étaient obligés d’avoir un contrat de vente avec les producteurs avant de pouvoir acheter leurs graines, ce qui était très limité », a déclaré François-Guillaume Piotrowski, PDG de l’Association française des producteurs de cannabinoïdes ( AFPC).
Sur ce point également, le Conseil d’Etat leur donne raison, ce qui ouvre la voie à une production française très importante. Les producteurs de chanvre réguliers, s’ils font des recherches, peuvent vendre une partie de leur récolte comme produits biologiques aux producteurs. Cela s’ajoute à 600 à 1 000 hectares de chanvre plantés uniquement en CBD, presque tous bio », a-t-il ajouté. Un atout supplémentaire pour capter le marché du CBD en Europe, estimé à 2 milliards d’euros par an.