La santé au travail est-elle « invisible » dans la fonction publique territoriale ?
Oui, d’abord parce que la méconnaissance du vrai travail et de ses risques persiste dans les collectivités locales. De nombreuses activités sont considérées comme « de base », alors qu’en réalité elles nécessitent des qualifications : entretien des bâtiments, service de repas, petit entretien, espaces verts, etc. Ces activités étant sous-évaluées, leurs risques ne sont pas bien évalués. Pourtant ils sont importants : exposition à des agents chimiques, manutention manuelle de charges, gestes répétés, station debout… et ont des effets sur la santé et la sécurité au travail. Dans le service de médecine préventive du CIG de la petite Couronne, nous avions l’espoir qu’en raison de la pandémie covid-19, nous aborderions mieux le travail réel et ses risques, en tenant compte des agents infectieux que par exemple les agents territoriaux spécialisés de les écoles maternelles (atsem) y sont exposées, ou encore les agents qui vont de maison en maison pour apporter les repas aux personnes âgées ou leur prodiguer des soins. Mais cela semble déjà oublié, il semble que les collectifs de travail n’aient pas toujours retenu les leçons de la crise sanitaire. Je rappelle que seules 51% des collectivités disposent d’un document d’évaluation des risques professionnels à jour, dont seulement la moitié prend en compte les risques psychosociaux !
Est-ce que cette invisibilité s’étend aux atteintes à la santé ?
En effet, pour plusieurs raisons. Il arrive que les modalités de déclaration des accidents du travail (AT) et des maladies professionnelles (MP) ne soient pas connues, alors que c’est le B.A.BA. Des investigations sont nécessaires pour identifier leurs causes et prévenir les récidives, mais peu de communautés le font. Concernant la reconnaissance des AT et MP, c’est un casse-tête, tant les mécanismes administratifs et statutaires restent complexes pour les agents et les employeurs. De plus, dans le secteur public, il n’y a pas d’exploitation statistique de données complètes concernant les AT et PM, ni au niveau local ni au niveau national. Lorsqu’elles existent, ces données sont partielles et associent rarement celles des fonctionnaires et des contractuels. Pour les titulaires, ils sont médiatisés par les assureurs risques légaux. Enfin, dans la fonction publique, il n’existe pas de système équivalent à celui du régime général, avec des cotisations patronales pour les AT et les MP, liées au volume et à la gravité de ce qui a été déclaré à l’Assurance-Maladie, ce qui lui permet d’agir sur . taux de cotisation et d’intervenir auprès des employeurs pour mener une action préventive forte.
Que pensez-vous de la fin du CHSCT remplacé – ou non selon les cas – par une formation spécialisée ?
C’est troublant. Je crains que, dans de nombreuses collectivités locales, la formation spécialisée ne voie le jour et que l’on perde ainsi la seule instance de dialogue social sur la santé et la sécurité au travail. C’est pourtant un levier pour mettre en évidence les risques du travail, pour analyser les accidents du travail, pour évaluer le maintien dans l’emploi des agents handicapés… J’espère que, lors de la première fermeture, il y a une prise de conscience de ces risques. parce que les gens avaient peur d’aller travailler, ils ont été infectés par le Covid, et certains sont morts. Mais ça n’a pas eu cet impact. Tous les employeurs ne tiennent pas compte de cette évaluation des risques lorsqu’ils décident de mettre en place une formation spécialisée en santé, sécurité et conditions de travail.