L’assurance-chômage est bien meilleure que la vôtre

Entre 2010 et 2022, la proportion de chômeurs indemnisés par l’assurance-chômage est passée de la moitié à un tiers. Cela veut dire que quand on parle de « ces chômeurs qui bénéficient d’allocations », on se trompe complètement. Notre système d’assurance-chômage est de moins en moins protecteur, particulièrement ces dernières années, en raison de réformes successives qui compliquent l’indemnisation et facilitent la suspension des droits. Nos représentants et dirigeants, députés et ministres, ont, depuis 5 ans, particulièrement contribué à cette misère garantie en cas de chômage. Les macronistes excellaient à ce petit jeu, mais les socialistes avant eux voulaient déjà faire pression sur les chômeurs. Pendant des années, des députés ou des ministres ont défendu sur les plateaux de télévision l’idée que le chômage ne devait pas être un droit si facile à obtenir, pour éviter que les chômeurs soient plus tentés de rester devant leur télévision aux dépens de la princesse que de déménager servir la société. C’est pourquoi je me suis penché sur le chômage des politiciens, ceux qui semblent avoir si peur de perdre les élections et pourraient vendre leur mère pour un strapontin. Spoiler alert : ce n’est pas comme nous.

Pour les députés, un système d’assurance-chômage miraculeusement épargné par la réforme qu’ils ont voté

Pour les députés, un système d’assurance-chômage miraculeusement épargné par la réforme qu’ils ont voté

Que sont devenus les députés macronistes qui ont perdu aux dernières élections ? Ont-ils dû se rendre à Pôle emploi et subir ainsi les conséquences de la réforme qu’ils ont votée et défendue ? Oh non! Les députés qui perdent leur mandat ne vont pas à Pôle Emploi. Il existe pour eux un régime spécifique d’assurance chômage : la Caisse différentielle de retour à l’emploi des parlementaires (FAMDRE). La FAMDRE est gérée par la Caisse des dépôts et consignation et n’a manifestement pas été concernée par la réforme que ces chers députés ont votée pour le petit peuple, mais pas pour eux. Le site de la FAMDRE, par exemple, ne précise pas si nos députés chômeurs sont tenus de respecter les rendez-vous fixés par leur conseiller en indemnisation. Aucune trace de tels conseillers ailleurs.

Les députés chômeurs font donc toujours partie des 10% de Français les plus riches, ouf. Malgré cette belle dotation, ils n’ont pas la pression qu’ils ont décidée que tous les autres chômeurs – dont l’indemnisation moyenne était de 930 € net en 2018 – devraient avoir.

On ne sait pas si les députés sont tenus d’accepter une « offre d’emploi raisonnable » dont les critères sont laissés à l’appréciation du conseiller, comme c’est le cas à Pôle emploi depuis la réforme qu’ils ont votée en masse. Il n’est pas précisé s’ils doivent « mettre à jour » chaque mois sur une appli anxiogène sous peine de sanction, rendre compte de leurs déplacements, déclarer leurs congés, s’excuser de vivre et d’exister, de penser et et d’espérer dans un autre but que celui-là. de leur « employabilité ».

On a aussi affaire à des chômeurs aisés : l’allocation mensuelle est égale, pendant toute la période pendant laquelle elle est versée, à 57 % du montant de l’indemnité parlementaire (comprenant l’allocation de base, de fonction et de résidence d’un montant total de 7 239,41 € ), soit 4 126,75 € brut. Les députés chômeurs font donc toujours partie des 10% de Français les plus riches, ouf. Malgré cette belle dotation, ils n’ont pas la pression qu’ils ont décidée que tous les autres chômeurs – dont l’indemnisation moyenne était de 930 € net en 2018 – devraient avoir.

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Le droit inconditionnel au recasage

Le droit inconditionnel au recasage

Mais cette situation reste bien trop triste pour notre classe dirigeante, solidaire lorsqu’il s’agit de relocaliser les amis et de récompenser la participation active à la destruction de notre modèle social.

On se souvient tous de François Bayrou, éphémère ministre de la Justice au début du quinquennat de Macron, démissionnaire en raison d’accusations d’emploi fictif, devenu « Haut-commissaire au Plan » en 2020 pour diriger un service produisant des « notes de synthèse sur la « prospective ». , sorte de version bon marché des conneries des cabinets de conseil. Il vient d’être nommé secrétaire général du « Conseil national pour la refondation », une instance aussi inutile que le « grand débat national » ou la « convention citoyenne » pour la climat, dont les conclusions, si elles existent, seront ignorées par le gouvernement.Ce genre de prise de position n’est pas faite pour faire les choses quand même, mais pour garder le droit d’ouvrir la bouche pour défendre le gouvernement dans les médias.

Brigitte Bourguignon est moins connue mais elle a joué un rôle essentiel durant le quinquennat de Macron. Ancienne députée et présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, elle a organisé le vote de textes de loi comme les économies massives sur l’assurance maladie et l’hôpital en 2017, la réforme du code du travail la même année. et… la réforme de l’assurance-chômage à l’été 2018. Perdante aux dernières élections législatives, elle vient d’être nommée par le gouvernement à la tête de l’Inspection générale des affaires sociales, une administration de contrôle des politiques publiques, ce qui lui permettra de retrouver un revenu comparable à celui d’un député.

Chaque fois que vous faites le plein, vous payez le nouveau poste bidon de Jean Castex

Chaque fois que vous faites le plein, vous payez le nouveau poste bidon de Jean Castex

Jean Castex, souvenez-vous, a été Premier ministre de 2020 à 2022. Pour lui éviter le chômage, il a récemment été nommé président de l’Agence française de financement des infrastructures de transport, l’AFTIF. Cette agence est financée par la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), c’est-à-dire ce qui est versé à l’État lors de votre plein et par le produit des amendes, notamment celles des radars automatiques. Ne dites plus « souriez, vous êtes flashé » mais « souriez, vous payez le salaire de Jean Castex ! » ». A deux reprises, la Cour des comptes a estimé que l’Agence de financement des infrastructures était totalement inutile. Désolée, elle a relevé en 2009 puis en 2016 « l’absence de valeur ajoutée apportée par l’AFITF, opérateur étatique sans feuille de route ni marge de manœuvre ». ». A se demander si une telle administration n’existe pas uniquement pour reloger des amis, pour un salaire mensuel de 3 250 € net (cumulable avec les indemnités des hauts fonctionnaires, salariés et auto-entrepreneurs, bien sûr).

A deux reprises, la Cour des comptes a estimé que l’Agence de financement des infrastructures, à la tête de laquelle Jean Castex vient d’être nommé, était parfaitement inutile.

L’ancienne ministre des Armées Florence Parly sera très probablement réintégrée à la tête du conseil d’administration d’Air France. Oui, avoir un État actionnaire dans une entreprise permet aussi d’y relocaliser ses amis. Le SPAF, syndicat des pilotes d’Air France, n’aime pas la manœuvre. Dans un communiqué, ses membres déclarent qu’ils « ne veulent pas qu’Air France reste l’armoire dorée des hauts fonctionnaires que l’Etat français et certains réseaux cherchent à recycler à tout prix ». Car oui, de nombreux travailleurs sont soumis à la pratique du recasage : dans les administrations, les entreprises publiques et les ONG (porte de sortie plutôt réservée aux politiques de gauche, comme Cécile Duflot devenue directrice générale d’Oxfam France ou Benoît Hamon à la tête de l’ONG Singa), l’arrivée d’un nouvel ex-ministre, député ou dirigeant politique est fréquente. Avec le risque d’avoir un dirigeant qui vient sentir son salaire en attendant la suite de sa carrière politique.

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Agnès Buzyn est poursuivie en justice mais va évaluer les politiques publiques

Agnès Buzyn est poursuivie en justice mais va évaluer les politiques publiques

Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé, partie au début de la crise du Covid, assurant que tout allait bien, avant d’échouer lamentablement aux élections municipales à Paris, a été mise en examen par la Cour de justice de la République pour « mise en danger de la vie de autres » lors de sa gestion de l’épidémie. Pensez-vous qu’un tel CV pourrait l’empêcher de bénéficier du soutien actif de son président ? Nooon ! Fin juillet, elle est nommée à la Cour des comptes, par décret. La Cour des comptes est chargée d’évaluer les politiques publiques, quoi de mieux que le ministre qui a causé la perte de plus d’un millier de lits d’hôpitaux dans le pays pour mener à bien cette mission ? Et ce, pour un salaire avoisinant les 6 000 euros nets.

La « peine des urnes » n’existe pas : nos hommes politiques s’en sortent très bien à chaque fois, quel que soit leur bilan. Ils sont assurés d’une vie riche et tranquille, et à nos frais.

Le parcours de nos politiciens sortants en dit long sur la formidable capacité de la bourgeoisie politique à prendre soin de ses membres. Notre système crée même de fausses agences pour permettre aux ex-premiers ministres de vivre de notre taxe sur les carburants : une assurance chômage audacieuse et très chère.

Les journaux bourgeois aiment nous parler de la « sanction des urnes » que nous pourrions infliger, en guise de protestation, à des politiciens que nous n’aimons pas. Mais c’est une fable républicaine : il y a zéro sanction ! Nos politiciens s’en sortent très bien à chaque fois, quel que soit leur bilan. Ils sont assurés d’une vie riche et tranquille, et à nos frais.

Ils veulent pour nous l’inverse ce qu’ils ont pour eux

Ils veulent pour nous l’inverse ce qu’ils ont pour eux

De ce formidable système d’assurance-chômage, où la perte de son emploi est immédiatement compensée par l’obtention d’un nouveau poste, parfois même dépourvu de travail, mais sans salaire, nos politiques ne tirent apparemment aucune conclusion universelle. La preuve : le système qu’ils nous réservent, où seulement un tiers d’entre nous percevons des indemnités sous conditions et sous réserve d’accepter le premier boulot de merde payé à la fronde, ne leur suffit pas : Macron et ses potes veulent une nouvelle réforme de l’assurance-chômage . Le but? Mettre fin au peu de contrôle que les syndicats ont encore sur le système. Puis soumettre le niveau d’indemnisation au contexte économique : « Quand ça va bien, on durcit les règles et, quand ça va mal, on les assouplit » résume le nouveau ministre du Travail, Olivier Dussopt, un renégat de la pire espèce qui doit son poste au fait d’avoir trahi son groupe politique pour rejoindre le gouvernement et depuis saliver à la moindre sortie de son chef. Et devine quoi? Pour le gouvernement, les choses vont bien en ce moment.

C’est bon, tu n’es pas trop en colère ? Nous faisons.

Nicolas Framont