Envoyé le 12 octobre 2022 17h53 Mis à jour le 12 octobre 2022 18h27
Pour guérir une maladie génétique en une seule injection, la promesse des thérapies géniques est tentante. Mais très cher. En témoigne la dernière thérapie approuvée aux États-Unis, en septembre. Avec 3 millions de dollars par injection, Skysona de l’américain Bluebird a battu le record mondial du médicament le plus cher établi en 2019 par une autre thérapie génique, le Zolgensma de Novartis (2 millions d’euros).
Signe que l’assurance maladie est prête à desserrer les cordons de la bourse quand le jeu en vaut la chandelle, Zolgensma a reçu, en 2019, une autorisation d’utilisation en France, à administrer à une soixantaine de bébés atteints d’une maladie touchant les muscles. L’augmentation de la puissance de ces thérapies reste à financer.
Risque à partager
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), actuellement examiné par le Parlement, propose de payer par tranches les thérapies dépassant un certain prix. L’idée est de « ne pas mettre le risque du financement exclusivement sur l’assurance maladie » et de « passer vers une logique de paiement au regard de l’efficacité constatée », revendique le gouvernement.
Concrètement, l’organisme qui fixe le prix des médicaments, le CEPS, devra discuter avec les fabricants des critères de performance qui permettront de juger de l’efficacité de leurs produits. Les producteurs recevront un premier versement et recevront les autres selon un échéancier préalablement négocié. En cas de faillite, notamment si le patient décède ou doit recevoir un nouveau traitement, le laboratoire ne sera plus payé, voire devra rembourser une partie de l’argent.
« Bien inspirée »
La mesure « est bien inspirée, mais attention à ne pas fixer des conditions qui découragent la mise à disposition de ces thérapies aux patients français », prévient le syndicat des entreprises pharmaceutiques, Leem, qui négocie une reformulation du texte avec le gouvernement.
La peur n’est pas théorique. Bluebird s’est retiré d’Europe en 2021, faute d’avoir obtenu le prix qu’il souhaitait pour l’une de ses thérapies géniques auprès des autorités nationales, et notamment de l’Allemagne. Cependant, d’autres thérapies géniques sont prévues. Comme, fin 2023, celle du Français Gensight, pour une maladie génétique de la vue, ou celle du Californien BioMarin pour une hémophilie sévère, qui touche 2.000 personnes en France.
Pour un si grand nombre de patients, la facture de la thérapie génique peut sembler exorbitante. En supposant que cette thérapie BioMarin coûte 2 millions de dollars, elle représenterait potentiellement 4 milliards de dollars en dépenses en médicaments à court terme pour traiter les hémophiles si toutes les personnes impliquées choisissaient de l’utiliser.
Cependant, l’Assurance Maladie pourrait s’y retrouver car, en soignant les malades, la thérapie éliminerait les frais de santé réguliers et onéreux. « L’achat de facteurs de coagulation, qui sont le traitement à vie des hémophiles, coûte à l’assurance maladie entre 500 et 600 millions d’euros par an », précise le Leem.
Quid des rechutes ?
Le gouvernement espère également que l’Assurance maladie pourra économiser grâce au nouveau dispositif proposé par la loi. Ses hypothèses sont assez théoriques, mais si elle entrait en vigueur en 2023, pour deux thérapies innovantes et pour un nombre limité de patients (jusqu’à 50), elle permettrait d’économiser 100 millions d’euros en 2024 et 160 millions l’année suivante. Tout cela, compte tenu d’un taux d’échec thérapeutique de 10%, tient la facture.
Reste à définir cette notion d’échec et de réussite qui conditionnera le paiement. Là est le problème. Lors de l’injection, la thérapie génique peut échouer. Mais qu’en est-il des rechutes après cinq ou dix ans ?
« Si une personne aveugle retrouve la vue puis la perd un peu mais pas totalement, comment mesure-t-on la performance ? », remarque Bernard Gilly, fondateur de Gensight, pour qui « cela ne peut être décidé unilatéralement par les pouvoirs publics ou les investisseurs ». indications thérapeutiques ou du marché européen ».
Une mise en musique compliquée
La question de la mise en musique interpelle aussi les institutions qui peuvent proposer des thérapies innovantes. « Il faudra rapporter les informations qui permettront de déterminer que le but de la thérapie a été atteint. S’il appartient aux centres [de traitement] de le faire et qu’ils n’ont pas les moyens de le faire, il pourrait être compliqué », explique Steven Le Gouill, directeur du complexe hospitalier de l’Institut. Curie, spécialiste du cancer.
« Un modèle possible serait de ressaisir les informations par le biais de registres », poursuit le professeur, citant en exemple le registre « DESCAR-T » existant sur les lymphocytes Car-T, des cellules modifiées pour devenir des médicaments anticancéreux.
Ces préoccupations de mise en œuvre sont partagées. « Nous voulons qu’il y ait un vrai travail sur la façon de collecter et de transmettre les données de santé aux autorités pour contrôler l’efficacité des produits car ils ne sont pas efficaces aujourd’hui », explique Jean-François Husson, chef de projet de la Fédération Hospitalière de France.
Cependant, ce dernier regarde avec intérêt le système de financement proposé. Car elle prévoit qu’un premier acompte forfaitaire est versé directement par l’établissement aux laboratoires et le complément géré par l’Assurance maladie. « En fin de compte pour les hôpitaux, c’est une part attrayante qui facilite les flux de trésorerie », dit-il.