En introduction, la Cour de cassation a pointé le « dynamisme » du marché du crédit immobilier et le fait que les taux pratiqués par les banques augmentent moins en France que dans nos pays européens voisins. Nous regrettons qu’il n’ait pas jugé utile de s’attarder sur le fort ralentissement de la production de crédits, comme le montrent les derniers chiffres de Crédit Logement (-37% sur 3 mois glissants) ou d’examiner les effets des expulsions massives provoquées par les retards de ajuster le cours à la fin de l’année. Or, ces effets viennent d’être constatés par une mission du FMI qui recommande « d’envisager des changements supplémentaires (de la mise à jour plus dynamique du taux d’usure) pour permettre un transfert complet de la politique monétaire et éviter d’exclure injustement les emprunteurs marginaux de l’accès au crédit ». .
HCSF, supervision prudentielle et rationnement du crédit
La Cour suprême s’est ensuite félicitée du respect par les banques des normes de prêt qu’elle leur impose depuis le 1er janvier 2022. A savoir un taux d’endettement maximum de 35% et une durée de crédit pouvant aller jusqu’à 25 ans. N’oubliez pas que les banques ont la possibilité de déroger à ces règles pour 20% des prêts qu’elles accordent.
La Cour de cassation note sur ce point que « des progrès doivent encore être faits avec l’attribution de cette flexibilité au financement des résidences principales et starters ». En rappelant que la norme oblige les banques à consacrer au moins 80% des prêts déviants au financement des résidences principales, dont au moins 30% aux start-up, la Cour suprême sort du champ du contrôle prudentiel pour se concentrer sur le domaine de la contrainte de crédit politique.
C’est pourtant prévisible lorsque la liberté de gestion des banques est si limitée qu’elles dirigeront leurs maigres capacités dénigrantes vers leurs meilleurs clients. Les jeunes et les ménages modestes sont ainsi les premières victimes de ces règles destinées à protéger un système bancaire qui n’en avait pas besoin (le marché français du crédit immobilier a longtemps été l’un des plus sains au monde, comme en témoignent les très faibles taux de défaut les taux).
Plus de 60 000 euros d’apport personnel en moyenne pour les primo accédants
Adoptées sans concertation, ces normes ont pour effet de comprimer la capacité d’emprunt des ménages (notamment primo-accédants et investisseurs locatifs) au moment où la hausse des taux de crédit pèse déjà sur eux. Cela explique l’explosion de l’apport personnel, qui s’élève désormais en moyenne à plus de 60 000 € pour les débutants. Au contraire, nous prônons un assouplissement de ce carcan réglementaire afin de ne pas confisquer définitivement l’accès à l’immobilier et aux investissements locatifs.
Relèvement de 0,5% de l’exigence de fonds propres réglementaires
Enfin, la Cour suprême a choisi d’augmenter de 0,5% l’exigence de fonds propres réglementaires imposée aux banques dans le cadre du « coussin contracyclique ». Les accords de Bâle III prévoient que les autorités monétaires de chaque Etat peuvent moduler le niveau de ce coussin en fonction du cycle économique. L’idée est d’augmenter le besoin en capital lorsque l’économie se porte bien pour inciter les banques à ralentir leur production de crédit et à se constituer du capital et inversement pour réduire ce coussin en période de vaches maigres pour inciter les banques à engager des capitaux sous forme de crédit .
En relevant l’exigence de fonds propres au moment où la France entre en récession, la Cour de cassation commet une erreur et invente un « tampon procyclique », risquant d’aggraver le déficit de crédit déjà en plein essor du crédit immobilier.