La Banque centrale du Liban annonce officiellement une dévaluation de 90% de la livre libanaise.
Dévaluation massive au Liban
Le Liban vient d’officialiser sa disparition en adoptant un nouveau taux de change officiel de 15 000 livres libanaises (LL) pour un dollar américain.
Il s’agit d’une dévaluation de 90 % par rapport à l’ancien taux de change officiel de 1 500 LL en vigueur depuis 25 ans.
Cependant, ce nouveau taux de change est encore loin du taux parallèle. Le dollar change actuellement de mains pour 57 000 LL sur le marché noir.
Comment la « Suisse du Moyen-Orient » en est-elle arrivée là ? Il faut remonter quelques années en arrière, car les racines de cette crise sont profondes.
Rappelons tout d’abord que le Liban a traversé une longue guerre civile à partir de 1975. Un dollar valait alors 2,5 livres libanaises. Après 15 ans d’affrontements, la livre se stabilise en 1992 à un dollar pour 1500 livres. Ce taux restera fixe jusqu’en 2018.
Mais cette stabilisation se fait au prix de l’énorme fardeau de la dette du gouvernement libanais. La dette du pays est passée de 56% du PIB en 1993 à 100% en 1998 puis 150% en 2018. Et surtout parce que le Liban a un déficit commercial chronique.
Ce déficit commercial a longtemps été compensé par les entrées de trésorerie de la diaspora libanaise, qui représente deux fois la population du Liban. Sans oublier sa réputation de secret bancaire et ses tarifs attractifs (nous y reviendrons plus tard).
Depuis lors, deux monnaies ont été utilisées au Liban. La livre libanaise et le dollar. Le billet vert est la devise de choix pour épargner.
Mais à partir de 2011 tout va mal à cause de la guerre en Syrie. Aujourd’hui encore, il y a deux millions de réfugiés syriens au pays des cèdres. C’est l’équivalent de 22 millions de réfugiés pour un pays comme la France…
La descente aux enfers
Cette instabilité a fini par tarir la manne financière de la diaspora. A tel point que les banques libanaises sont allées jusqu’à proposer des taux de 10% sur les dépôts en dollars pour attirer les clients !
Les banquiers pensaient probablement pouvoir gagner du temps en prévision des profits juteux promis par les gisements de gaz découverts au large des côtes israéliennes par Israël en 2010.
Mais c’était ignorer la capacité de Tel-Aviv à dissuader les compagnies pétrolières de s’y installer. Ces gisements se situent de part et d’autre de leur frontière maritime…
Cette ruée ponzienne obstinée n’a donc pas empêché l’assèchement des réserves en dollars et, fin 2018, certaines banques ont commencé à restreindre l’accès des déposants à leurs dollars.
La banque centrale libanaise verra à terme ses réserves en dollars complètement épuisées, ce qui se traduira par un défaut du gouvernement sur sa dette libellée en devises (40% de sa dette).
Les banques privées sont alors obligées de couper complètement l’accès des Libanais à leurs dollars, qui ne sont tout simplement plus là. Force est de constater que les proches du pouvoir ont pu quitter la ponzi avant le petit peuple…
Force est de constater que les Libanais viennent officiellement de perdre 90% de leur pouvoir d’achat face aux produits étrangers. Cet appauvrissement s’est longtemps répercuté sur le prix des denrées alimentaires importées.
Alors même si ceux qui avaient encore des dollars recevaient 15 000 LL au lieu de 1 500 LL, leur pouvoir d’achat serait encore amputé car les prix alimentaires ont été multipliés par 17 entre-temps…
Morale de l’histoire, et inversement, les Libanais qui disposaient de leurs économies en bitcoins fin 2018 ont vu leur pouvoir d’achat augmenter de près de 200%.
Compte tenu du poids de la dette et du contexte géopolitique, personne n’est à l’abri d’une dévaluation massive suivie d’une hyperinflation. Retard!
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Journaliste couvrant la révolution Bitcoin. Mes articles traitent le bitcoin à travers des prismes géopolitiques, économiques et libertaires.