« Mon propre Benzema » de Fred Hermel

Lauréat du Ballon d’Or 2022, Karim Benzema a passé plus de treize ans à Madrid, et un témoin privilégié, Fred Hermel, correspondant de RMC dans la capitale espagnole.

Je me souviens de son visage presque enfantin de ce jour de juillet 2009. Plus de quarante mille personnes ont pris d’assaut les tribunes du stade Santiago-Bernabéu pour partager quelques minutes avec la nouvelle équipe du Real. Karim Benzema avait vingt et un ans, l’âge auquel j’avais aussi, dix-sept ans plus tôt, quitté la France, laissant ma famille embrasser mon rêve madrilène. J’entends encore son espagnol hésitant pour haranguer cinq mots à la foule vêtue de blanc. « Un, dos, tres… Hala Madrid ! » A ses côtés, Florentino Pérez profite du moment. Plus que pour les joueurs qu’il venait d’engager pour construire la deuxième version de Galactic Real.

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Ni pour Kaka, ni même pour Cristiano Ronaldo, le président n’a pas pris l’avion comme il l’a fait pour l’attaquant français. A Bron, quelques semaines auparavant, Pérez lui avait confié ce qui attendait le grand footballeur : « Tu es né pour jouer au Real Madrid ! » Cette arrivée était sa victoire personnelle face aux incroyables propositions d’Alex Ferguson et de Manchester United. Mais Karim n’aspirait qu’au blanc pur et le président merengue lui offrait l’amitié et promettait la gloire dans le plus grand club de l’histoire du football.

J’étais là, micro marqué « RMC » à la main, suivant le parcours de mes jeunes compatriotes dans la ville que j’avais faite mienne. Je lui souhaite de réussir car je connais sa douleur. Être loin de la maison. Vous vous retrouvez la nuit dans votre chambre. Il faut apprendre la patience, le poids de la patience qui retient le corps pendant que l’esprit crie pour nous montrer de quoi nous sommes capables, jusqu’à ce que nous réussissions. Immédiatement. Benzema a dû apprendre beaucoup de choses et c’est Cristiano Ronaldo qui a été son premier professeur. L’ancien Lyonnais m’a avoué deux mois après son installation dans le vestiaire.

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« Il est venu me dire qu’ici ce n’est pas le championnat de France, qu’ici c’est le Real, m’a-t-il expliqué. Que je dois faire plus que ce qu’on m’a dit. On m’a demandé, que je dois venir avant les autres et repartir après les autres. , que je fais aussi beaucoup de musculation. »

Les conseils avisés de Karim ont su prendre à la volée, la première étape d’une collaboration fructueuse qui devait durer pas moins d’une décennie.

Benzema: « Soyons honnêtes, je ne suis qu’un remplaçant dans cette équipe »

Quand je le vois maintenant tenir ce ballon doré qui pèse plusieurs kilogrammes, je pense aux moments de tristesse, puis de joie qui ont pavé le long chemin vers cette extase et cette reconnaissance unanime. Jusqu’à ce soir de novembre 2009, froid et pluvieux, où le stérile Karim est entré en fin de rencontre pour l’auteur Gonzalo Higuain en double. « Soyons honnêtes, je ne suis qu’un remplaçant dans cette équipe », dis-je, les yeux sombres mais la tête haute.

J’étais là aussi, dans la grande salle de presse du centre d’entraînement de Valdebebas, quand un certain José Mourinho l’a comparé à un chat, c’est-à-dire à un attaquant qui ne sent pas quand il veut pouvoir s’appuyer sur un tigre . « A ce moment-là, il a voulu partir, persuadé qu’on ne lui laisserait aucune chance ici, m’expliqua un haut responsable du club des années plus tard. Mais son père lui avait dit qu’il devait persévérer, qu’il devait atteindre son espoir madrilène. Il était important.

Benzema et le « sacrifice » pour Ronaldo

J’étais aussi là quand Ronaldo s’est rendu compte qu’avec Benzema à ses côtés, la vie était meilleure et le football plus facile.

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– Ça te dérange de te sacrifier pour Cristiano ? lui ai-je demandé un jour.

– Mais arrêtez avec cette histoire de sacrifice, répondit-il d’un air agacé. Jouer au football comme je joue n’est jamais un sacrifice. J’aime les jeux, j’aime créer des jeux. Evidemment… Non ?

J’ai enfin compris son point de vue. Mais j’ai rarement crié au but quand, le 26 mai 2018 contre Liverpool, Benzema a inscrit son premier en finale de la Ligue des champions. Un but méchant, le vrai but numéro 9, qu’on lui reproche souvent de ne pas être.

J’étais là quand, finalement, il est devenu le meilleur joueur du Real, à part le meilleur buteur.

Alors en cette suprême nuit de victoire, je revis tout ça. Je ne suis pas là. Je ne suis pas dans la pièce. J’ai regardé de loin. Et je suis heureux. Pour lui. Jouer au football.