C’est un phénomène à la fois dérangeant et aléatoire qui peut affecter presque toutes les personnes sur terre. La mort subite, qui se traduit par une augmentation soudaine du rythme cardiaque et un manque de circulation sanguine vers le cerveau, entraîne la mort dans plus de neuf cas sur dix. Interrogé sur Europe 1 ce mercredi, Xavier Jouven, cardiologue à l’Hôpital européen Georges-Pompidou à Paris et fondateur du Centre d’expertise mort subite, qui travaille depuis 30 ans sur la prévention de cette insuffisance cardiaque subite, a présenté les avancées dans ses recherches.
Un échantillon de 7.000 personnes, 20.000 diagnostics analysées
Entouré d’une équipe d’ingénieurs et de mathématiciens, il s’est attelé à un « travail vraiment fastidieux » à une époque « où les gens ne pensaient pas pouvoir identifier les personnes en danger de mort subite ». Depuis 25 ans, Xavier Jouven a décortiqué des montagnes de données collectées auprès d’un échantillon d’un peu plus de 7 000 personnes.
Une prouesse rendue possible par la création il y a dix ans du Centre d’expertise mort subite, qui a permis de recenser les 4 000 cas qui surviennent chaque année à Paris et en petite couronne. « Nous avons demandé l’agrément à l’Assurance-maladie, qui s’est engagée à collecter toutes les données du dossier national de santé pour chacun des cas d’arrêt cardiaque que nous avons recensés à Paris », explique le cardiologue.
Cela a permis à l’équipe de recherche d’accéder à l’ensemble des antécédents médicaux des personnes en question. « Tout ce qu’ils ont pris comme médicament dans les 10-15 ans avant la mort, tous leurs examens, leurs diagnostics », précise Xavier Jouven, qui est ainsi parvenu à dénombrer « 20 millions de diagnostics ». L’intelligence artificielle a même été utilisée pour analyser ces données.
Néanmoins, le professeur prévient : « Si nous pensons que l’intelligence artificielle est le truc magique, nous nous trompons. Le plus difficile est de préparer des données non structurées pour les analyser par cette intelligence artificielle.
Pas de facteurs de risque globaux
Un travail titanesque qui a permis de « prédire quelles personnes ont un risque de plus de 90% de mort subite par an ». Cependant, il est encore impossible de dresser une liste des facteurs pouvant favoriser l’apparition du phénomène. « Chaque personne a son histoire personnelle et son équation de risque personnelle. Cela signifie que ce sera des facteurs différents pour chaque individu », explique Xavier Jouven.
Des résultats convaincants qui encouragent le cardiologue à atteindre des performances optimales. « Dans la phase suivante, nous aimerions poursuivre la prévention individualisée. Ça veut dire qu’on va enlever le premier facteur de risque de la personne, puis son deuxième, son troisième, etc. Mais tout ça reste à prouver, parce que pour le moment, on a montré l’association, mais on n’a pas encore prouvé la causalité », se dit-il. Si le groupe de recherche atteint ses objectifs, des campagnes de dépistage basées sur les données numériques de santé pourraient voir le jour.