Paris : « Maison des femmes » AP-HP, « refuge » pour…

« Je viens ici depuis un mois. Avant de me sentir déséquilibré, j’errais dans ce monde, et c’est comme si j’avais retrouvé mes repères, comme si j’avais retrouvé ma personne, ma juste valeur. J’ai repris confiance en la vie. Ces mots viennent d’Asie*, quinquagénaire victime de violences conjugales depuis 25 ans, qui devait sa guérison à la Maison des femmes de la Pitié-Salpêtrière, l’une des trois structures de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris ( AP-HP) à Paris ont ouvert ces derniers mois, où nous accueillons des femmes dévastées par la violence.

« Une prouesse », c’est le mot qui vient spontanément à la bouche d’Asia lorsqu’on lui demande de qualifier ce lieu qui offre une prise en charge médicale, sociale et judiciaire grâce à un partenariat entre l’AP-HP, la police, la justice, des Associations spécialisées et des collectivités comme la Mairie de Paris.

Avoir tout au même endroit

L’avantage de ce lieu est, selon les intéressés, que tout est en place. « On ne navigue pas d’un point de vue à un autre, il y a une personne référente avec qui on a rendez-vous pour faire le point, qui rassemble tout, je trouve ça super », commente Isabelle*, 45 ans, victime d’un viol il y a vingt-quatre ans, apparu à la surface il y a quelques mois. « La vraie valeur ajoutée de cette structure est d’avoir tout au même endroit », estime aussi le docteur Sophie Duchesne, gynécologue qui coordonne cette structure. « D’habitude il y a une multiplication des rendez-vous, c’est difficile pour elles, elles abandonnent souvent parce qu’elles sont fatiguées mentalement, et puis on les perd », raconte aussi Christine, assistante sociale à la maison des femmes pour l’association Aurore.

En plus des soins physiques, l’EHPAD assure une prise en charge psychologique et psychiatrique, apporte des conseils juridiques, offre la possibilité de porter plainte sur place, facilite les demandes d’assistance médicale, assiste dans le renouvellement des dossiers CMU… A propose un ensemble panel d’ateliers thérapeutiques (yoga, karaté, estime de soi, etc.), comme un atelier de danse le matin, animé par Viola Chiarini, chorégraphe et danseuse, psychologue de formation et titulaire d’un master en danse-thérapie :  » C’est un atelier qui utilise la médiation de la danse et du mouvement pour le bien-être, pour se reconnecter à soi sur le plan physique et psychologique. »

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« Ici on ne fait pas attention à la forme, on n’apprend pas à danser, on utilise la danse pour autre chose », ajoute Viola Chiarini. Par exemple, ils peuvent exprimer ce qu’ils ressentent à travers des mouvements lents, légers ou lourds dans une danse libre. « Je voulais suivre des cours de yoga, mais je n’avais pas le courage, et ça coûte cher… Ici on a des ateliers presque tous les jours, on n’a pas le temps de s’ennuyer et de penser aux ondes négatives. Quand je rentre chez moi , je rentre comblée… », commente Asie.

De multiples symptômes conjugués

Certaines femmes qui passent par ici ont subi des violences à peine imaginables. Les femmes en parcours migratoire sont punies de pièges et de violences multiples, de viols en série, et parfois même de violences sexuelles, lorsqu’elles arrivent en France, lorsqu’elles croisent des personnes mal intentionnées.

Un autre profil concerne les femmes qui ont subi des violences dans le cadre conjugal, « sans histoire » de l’extérieur, mais qui dans l’intimité ont « subi une dévalorisation quotidienne, des critiques constantes, l’interdiction de sortir du milieu familial, de voir des amis, et une forte influence », raconte Hugo Bottemanne, chef de clinique psychiatrique à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et qui consulte également à la Maison des femmes. Environ 45% des patients contactent la structure dans un contexte de violences conjugales, 18% dans un contexte de violences migratoires, 22% de violences sexuelles et 13% de violences intrafamiliales.

« La maison des femmes est un refuge. Il y a une violence extrême dans nos sociétés, dont les femmes sont les premières victimes », a expliqué Hugo Bottemanne. Les patients qui arrivent ici présentent souvent une combinaison de nombreux symptômes : « Anxiété extrême, transpiration, tremblements, maux de tête, vertiges, pensées qui reviennent. comme dans l’instant, des émotions négatives, et un sentiment d' »hypervigilance avec le corps qui peut lécher » », a expliqué le chef de service.

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« On est bien entourées et bien protégées »

Mais la bonne nouvelle est que tout cela peut être guéri, et parfois avec une rapidité vraiment incroyable, comme en témoignent la vie retrouvée d’Asia ou les progrès d’Isabelle, qui ont tous deux retrouvé un véritable sentiment de protection. « Je ne pouvais plus dormir. , mon corps était tout enfermé. Maintenant, je peux enfin en parler. Je me sens protégé quand j’y vais, j’ai l’impression que rien ne peut m’arriver. » Les gens ici savent écouter . Nous sommes bien entourés et bien protégés », ajoute Asia.

Le succès du dispositif est tel que le nombre de patientes a plus que doublé entre 2021 et 2022, avec 292 femmes sur les dix premiers mois de 2022, contre 162 sur toute l’année 2021. Il existe deux autres centres de femmes et l’AP -HP, à l’hôpital Bichat – Claude-Bernard et Hôtel-Dieu. Une quatrième structure ouvrira ses portes à l’hôpital Bicêtre du Val-de-Marne au premier semestre 2023.

C’est MeToo qui est passé par là, les femmes se sont exprimées massivement sur les réseaux sociaux, et les autorités ont été obligées de suivre un minimum, de cet élan de la parole enfin entendue. Christine, de l’association Aurore, en est convaincue : « Il faut parler de la violence, oser en parler. Je pense qu’il y aura de plus en plus de foyers pour femmes. »

*Les noms ont été changés