Si vous n’avez pas suivi les restrictions légales concernant l’autorisation du cannabidiol (CBD) en France, vous ne savez peut-être pas que cette substance obtenue à partir du chanvre est désormais légale dans notre pays.
La justice française a d’abord interdit ce dérivé du cannabis, mais est ensuite revenue après une décision de la Cour de justice de l’Union européenne, qui a qualifié cette position d’illégale car cette substance « ne semble pas avoir d’effet psychotrope ou d’effet nocif sur la santé humaine » . .
Le CBD est donc légalement disponible en vente libre en France et il existe de nombreuses boutiques qui le proposent. Mais qui sont leurs clients, pourquoi consomment-ils ce produit ?
Des effets thérapeutiques qui restent à établir
Avant tout, il faut savoir que les effets thérapeutiques du CBD ne sont pas encore solidement établis, à l’exception de l’intérêt pour le traitement de certaines formes d’épilepsie pharmacorésistante (actuellement un seul médicament au CBD, Epidyolex, est autorisé en France). .
Ses effets secondaires à fortes doses sont en revanche bien documentés, tout comme les risques d’interactions médicamenteuses.
De plus, les produits étiquetés « CBD » ne sont pas strictement contrôlés pour leurs ingrédients. De ce fait, les risques liés à la présence de différents types de contaminants doivent être considérés, qu’il s’agisse de métaux lourds, de cannabinoïdes synthétiques ou de THC (le THC ou Δ9-tétrahydrocannabinol est la principale molécule responsable des effets psychotropes du cannabis). ).
A noter que les produits contenant du CBD ne doivent pas contenir plus de 0,3% de THC associé.
Enfin, rappelons que la voie du tabagisme comporte des risques, notamment dus aux particules produites lors de la combustion (des travaux ont montré que la fumée de cannabis crée trois fois plus de particules solides qu’une cigarette de tabac à filtre dont la nocivité est bien prouvée).
Qui sont les consommateurs de CBD en France ?
Des recherches menées en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou au Canada ont montré que les utilisateurs de CBD l’utilisent souvent pour réduire le stress ou l’anxiété. Nos propres travaux ont également mis en évidence ce type d’usage en France.
Nous avons également estimé qu’à fin 2021, 69% des adultes français avaient déjà entendu parler du CBD et que 10% en avaient déjà consommé (dont 3,3% en consommaient au moins plusieurs fois par semaine). Ces chiffres rejoignent ceux de l’institut de sondage Ifop : entre 8 % (mai 2021) et 26 % (janvier 2022) des Français adultes en ont déjà consommé.
Les consommateurs de CBD se retrouvent principalement parmi les plus jeunes, les fumeurs de tabac ou de cannabis, les personnes qui s’estiment en mauvaise santé, et ceux qui accordent du crédit aux médecines alternatives.
Une fois ces facteurs identifiés, nous avons tenté de déterminer si les sous-groupes pouvaient être distingués à l’aide d’une méthode statistique de partitionnement des données (« clustering »). En résumé, nous avons identifié quatre sous-groupes d’utilisateurs de CBD correspondant à différents critères socio-démographiques (197 sujets) :
Personnes âgées rurales et en mauvaise santé (33 utilisateurs);
Hommes en difficulté financière, en mauvaise santé, consommateurs d’alcool (25 usagers) ;
Mères instruites en bonne santé (71 utilisatrices);
Jeunes fumeurs (68 usagers).
Ces résultats révèlent l’existence d’une grande diversité d’utilisateurs, probablement liée à différentes raisons de prendre du CBD. Parmi eux, on retrouve une forte proportion d’usagers de cannabis (34,2 % d’usagers de cannabis, dont 57 dans le groupe 4).
Cette situation n’est pas propre à la France. Une explication pourrait être que le CBD pourrait prévenir certains des effets de la consommation de cannabis, notamment l’anxiété ou la paranoïa. Fait intéressant, la première preuve clinique de la réduction du stress avec le CBD est venue d’une étude sur le stress induit par le THC.
Alors que l’interaction entre le THC et le CBD a depuis été plus largement étudiée, aucune conclusion définitive n’a encore été tirée sur les effets du CBD dans un tel contexte. Cependant, les grandes lignes de ces travaux semblent aller dans le sens d’atténuer les effets aigus du THC avec le CBD.
Quelle relation entre usage de cannabis et usage de CBD ?
Les effets potentiels du CBD sur l’atténuation des conséquences de la consommation de cannabis sont particulièrement intéressants dans le contexte français. Dans notre pays, l’usage du cannabis « normal », c’est-à-dire celui qui contient du THC, est interdit et criminalisé. De ce fait, les consommateurs de cannabis n’ont accès qu’au marché noir pour s’approvisionner.
Cependant, les produits qui s’y trouvent contiennent des concentrations de plus en plus élevées de THC. Autrement dit, ils sont de plus en plus dangereux, à mesure que le risque d’effets indésirables augmente, notamment le risque de psychose ou d’usage problématique du cannabis (« addiction »), sans même considérer les éventuels effets de contamination ou d’adultération. L’inclusion du CBD (y compris sous forme de fleurs) dans la pratique des consommateurs de cannabis, notamment en France, peut donc être vue comme une stratégie de réduction des risques et des méfaits.
A ce sujet, une étude menée aux Etats-Unis auprès d’usagers de cannabis a comparé les effets et la satisfaction de l’utilisation de fleurs « équilibrées » en THC et CBD par rapport à l’utilisation de fleurs à dominance THC. L’utilisation du premier était associée à des effets subjectifs positifs similaires à ceux du second. Cependant, l’utilisation de fleurs « équilibrées » s’est avérée associée à moins de paranoïa et d’anxiété. Notez cependant qu’une récente étude rigoureuse n’a pas confirmé ces résultats. D’autres travaux, cependant, ont montré que la consommation de cannabis à dominante CBD (vs. à dominante THC) est associée à une utilisation plus « thérapeutique » et à des doses ou fréquences plus faibles.
A travers une vaste enquête auprès des consommateurs de CBD en France, nous avons montré que l’usage du CBD, notamment sous forme fumée, pour réduire la consommation de cannabis dans notre pays existe et que les usagers concernés le jugent efficace.
La question de l’efficacité du CBD dans le contexte des troubles liés à l’usage du cannabis a également été étudiée. Dans ce cadre, des effets préliminaires ont été démontrés pour des doses quotidiennes supérieures ou égales à 400 mg. Une étude française a également montré le bénéfice potentiel du CBD vapoté pour réduire la consommation de cannabis chez les personnes ayant une telle dépendance.
Le temps du pragmatisme
En particulier, au vu de ces résultats, il semble que le moment soit venu de mettre en place un cadre législatif qui garantira l’accès au CBD de qualité contrôlée en France. La diffusion d’informations fiables sur le CBD est également essentielle pour soutenir au mieux ce qui est un véritable engouement populaire. Cette prise de conscience doit non seulement s’établir dans les points de vente CBD, mais aussi chez les soignants.
Parallèlement, une politique pragmatique d’accès aux produits à base de cannabis dans un contexte thérapeutique devrait être mise en place.
Combiné à la collecte de données réelles, un tel appareil pourrait bénéficier aux patients, aux professionnels de la santé, aux scientifiques et aux décideurs politiques. Dans ces conditions, il serait possible de maximiser les bénéfices de ces substances et usages tout en minimisant leurs risques.
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