Par Sudouest.fr et AFPPublié le 12/09/2022 à 9:02
Suivre sa glycémie, son rythme cardiaque ou encore son sommeil depuis son smartphone : voilà une promesse enthousiasmante, mais souvent non ou mal tenue, du fait du nombre toujours croissant d’applications.
Ces dernières années, le marché des applications de santé a explosé dans le monde entier à plusieurs centaines de milliers d’applications médicales. Derrière ces chiffres, divers dispositifs sont plus ou moins élaborés : du suivi des maladies chroniques à l’anticipation de la possibilité de récidive du cancer, ou encore la prise de variables médicales, avec ou sans l’aide d’objets connectés.
« Difficile de s’y retrouver »

Il existe donc « de nombreuses applications qui proposent de suivre le rythme cardiaque » grâce aux smartphones, pointe Nicolas Pagès, anesthésiste réanimateur et fondateur de Statelia, une plateforme payée par la Sécurité sociale, qui propose un suivi aux patients insuffisants cardiaques. « Vous venez de mettre votre doigt sur l’appareil photo du téléphone et il détecte les impulsions à partir des variations de couleur. »
Si cette technologie est « très bonne », il est difficile de savoir s’il en est de même pour d’autres applications, a-t-il souligné. « Il y en a qui sont complètement loufoques » et « ont du mal à s’y retrouver, à distinguer les applications sérieuses de celles qui ne le sont pas ».
Car les belles promesses se bâtissent souvent sur le vent, prévient-il. La plupart des applications téléchargeables par le grand public n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.
Aucune étude clinique

Une étude menée par une équipe française et publiée en juillet dans le Journal of Medical Internet Research (JMIR) a mis en lumière ce problème. Sur les 68 dossiers français analysés, 64 %, soit plus des deux tiers, n’ont pas réalisé d’études cliniques pertinentes avant leur commercialisation.
Et seulement 21% des candidatures ont réalisé des études randomisées, des protocoles expérimentaux destinés à mesurer leur efficacité. Notamment parce qu’ils ont un coût – plusieurs dizaines de milliers d’euros – et ne sont pas obligatoires.
« Il n’y a pas de circuit équivalent pour les applications en médecine et les circuits du médicament par exemple », regrette Rémi Sabatier, cardiologue au CHU de Caen, et vice-président de l’Institut national de la e-santé, qui cherche à structurer cet écosystème. « Il existe des applications qui proposent des mesures de tension complètement fausses », explique-t-il. Ce qui est « très dérangeant car les gens qui l’utilisent pensent qu’ils surveillent leur tension artérielle », et cela devient dangereux.
Sécurisation des données

Autre risque : celui de sécuriser les données de santé sensibles dans un contexte où les cyberattaques se multiplient contre les établissements de santé notamment, et où des plateformes comme Doctolib sont accusées de détourner les informations des utilisateurs.
« Pour l’instant, c’est un peu sauvage dans l’ouest », regrette Vincent Trely, président fondateur de l’Association pour la sécurité des systèmes d’information de santé.
De nombreuses applications sont disponibles gratuitement. Or, « si c’est gratuit, vous êtes un produit », a-t-il expliqué, avec « le seul but de collecter des données en masse » pour les revendre.
Cependant, toutes les applications ne doivent pas être placées dans le même panier. Il y a une vraie différence entre les applications de bien-être et celles purement médicales, pointent des spécialistes, même si « les frontières sont parfois ténues et la législation laisse à chacun le choix de dire où il se situe », note Rémi Sabatier.
Moins d’hospitalisations

Dès lors, « l’application introduite par le médecin » est « de confiance », assure Vincent Trely, mais elles sont très peu nombreuses. Scientifiquement validées, elles proposent pour la plupart un suivi des pathologies cardiaques ou chroniques comme le diabète.
Disponibles sur ordonnance, ils sont remboursés par l’assurance maladie. S’ils sont encore peu connus, ils devraient gagner en visibilité prochainement avec la mise en place d’une plateforme de téléchargement dédiée dans l’espace numérique de la Santé.
Ce changement peut aussi ouvrir un débat sur la finalité de ces applications, la plupart des outils qui visent actuellement à « améliorer la santé des personnes qui ne sont pas malades », note Nicolas Pagès.
« Rien n’empêche les gens de prendre des battements cardiaques pour s’amuser, mais ce qui coûte de l’argent aux Français, ce sont les maladies chroniques », a-t-il dit, plaidant pour le développement d’outils pour « soigner ces personnes » et « les rendre moins susceptibles d’être hospitalisées ». « .