Sucre, yoga, travail, réseaux sociaux : pourquoi sommes-nous tous…

Sucre, yoga, travail, réseaux sociaux : il semblerait que nous soyons tous devenus accros. Est-ce grave docteur? Analyser.

Et vous, comment s’est passé votre January Dry ? Et votre intention est d’aller moins souvent sur Instagram, pour voir moins de calques ? De nos jours, presque tout le monde se sent « accro » à quelque chose. Un à un, les internautes se confient sur leur addiction, du prince Harry à Camille Lellouche, de Bradley Cooper à Carla Bruni (qui disait avoir consommé « 30 à 40 coca par jour » à un moment donné). De même, les mémoires et les romans graphiques d’anciens toxicomanes de la nourriture, de l’alcool et de la drogue sont en augmentation. Le verrou est alors passé. En avril 2020, une étude Odoxa* montrait que 5,5 millions de Français augmentaient leur consommation d’alcool. 22% prenaient plus de somnifères, 27% fumaient plus et 74% étaient plus impliqués dans les jeux en ligne… Mais c’est dans le domaine des écrans que tout le monde se dit vraiment accro. En 2018, deux Français sur trois avouent être « dépendants » de leurs appareils connectés**. Et, selon la dernière étude Odoxa 2022, 28% de nos concitoyens présentent des « risques cyber », avec 15% de binge-watching de séries, et 14% d’utilisation excessive de leur smartphone (un adulte passe en moyenne quatre heures par jour sur son téléphone). Sommes-nous tous vraiment dépendants ?

Un environnement addictogène              

« On a vu se multiplier les conduites addictives, constate Michael Stora, psychanalyste spécialisé dans la vie numérique. C’est différent : dans la plupart des cas, heureusement, ce ne sont pas des addictions au sens médical. » Même analyse de Delphine Moisan, psychiatre addictologue à l’hôpital Beaujon, à Clichy : « Le terme « addict » est utilisé de manière quelque peu offensante. Il vaut mieux parler de comportement excessif. Un toxicomane est une personne qui n’arrive plus à contrôler sa consommation, et qui a des « fringales », un besoin irréversible de manger, des conséquences négatives sur sa vie sociale, professionnelle et familiale. Vous pouvez manger quelque chose en grande quantité sans devenir accro. Si vous passez votre week-end à regarder des émissions de télévision, ce n’est peut-être pas très bon pour votre équilibre, mais si cela n’affecte pas votre capacité à travailler, à avoir une vie sociale, ce n’est pas trop grave. « Aujourd’hui, seules deux addictions sans substance, les jeux vidéo et les jeux de hasard et d’argent, sont officiellement reconnues comme addictives », poursuit Delphine Moisan. Mais les addictions peuvent entraîner d’autres consommations excessives, si elles deviennent compulsives, envahissantes et créent des effets négatifs dans notre quotidien. Pourquoi utilisons-nous autant le mot « addict » ? « Il y a une diabolisation de ce terme, explique Laurent Karila, psychiatre addictologue à l’hôpital Paul-Brousse, à Villejuif. Avant cela, le terme était tabou, stigmatisant. Aujourd’hui, l’addiction est considérée comme une pathologie, ce qui la rend plus acceptable. Une série Netflix n’est pas sans un personnage membre des Alcooliques Anonymes ou des Narcotiques Anonymes. On le voit avec la multiplication des groupes de discussion : Overeaters Anonymous, Emotional and Sexual Addicts Anonymous, etc. Et dans son podcast populaire « Addiktion », Laurent K il y a des personnalités qui viennent volontiers parler de leur addiction. Incroyable il y a quelques années.

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C’est aussi le cas que nous vivons dans un environnement hautement addictif. Société de consommation, ambiance anxiogène (crise, Covid, guerre), outils technologiques… y contribuent beaucoup. Enfin, notre propre psychisme a évolué : « Au temps de Freud, les gens se sentaient écrasés sous le poids d’une morale étouffante », disait Michael Stora. Aujourd’hui, les gens souffrent de la maladie du narcissisme. Ils sont anxieux car ils ne se croient pas assez beaux, efficaces ou reconnus. Et cette anxiété contribue à la dépendance. « Bref, si on n’est pas tous addicts, on risque tous d’en devenir un… Qu’est-ce que ça devrait être d’avoir envie de reprendre un Spritz.

* « Contrainte, télétravail et conduites addictives : le point de vue français », réalisé pour GAE Conseil en avril 2020.

** Fondation April, baromètre des hyperliens. Addiction SOS, tél. : 06 01 43 31 94.