Un terminal blanc entre en collision dans une pharmacie parisienne. Six instruments médicaux se font face sous l’écran, dont un stéthoscope, un thermomètre ou encore un dermatoscope, destiné à l’observation des lésions cutanées.
« Nous organisons des téléconsultations via ce système depuis deux ans. On explique aux gens comment utiliser les outils, pour que les médecins à distance puissent poser un diagnostic », explique Lucie*, l’une des pharmaciennes. Les raisons de la consultation ? « Des maladies bénignes, comme des rhumes ou des cystites, mais aussi de nombreux renouvellements d’ordonnances », explique-t-il.
2 500 cabines sur tout le territoire
Depuis 2017, la startup parisienne Medadom a livré 2 500 cabines de ce type sur tout le territoire, impliquant plus de 250 médecins. « Cela nous permet de répondre à la problématique des déserts médicaux », explique Eli Dan, l’un des co-fondateurs.
Mais, pour un ancien responsable du Syndicat des pharmaciens d’officine, la démarche est avant tout économique : « L’abonnement mensuel coûte plus de 200 euros. Pour les médecins, ce service leur permet d’embaucher plus de patients avec des horaires étendus, car une téléconsultation est plus courte qu’une consultation traditionnelle. «
Les pharmacies en profitent également. Chez Lucie la clientèle a augmenté de 5% avec la borne Medadom qui permet la téléconsultation même le week-end. « Après avoir reçu leur ordonnance, les patients achètent leurs médicaments dans notre établissement. C’est une victoire pour tout le monde », reconnaît-il.
Le remboursement de la téléconsultation prolongé

Pendant la pandémie, ces téléconsultations étaient prises en charge à 100% par l’assurance maladie. La disposition devait expirer le 31 décembre 2021, mais le gouvernement a annoncé sa prolongation jusqu’au 30 septembre 2022, sous deux conditions.
Le patient doit être adressé au préalable par le médecin traitant ou, en son absence, par un centre de santé ou un autre organisme local. Le médecin téléconsultant doit également être proche du domicile du patient afin d’organiser une consultation en face à face si nécessaire. Or, une condition qui n’est pas exigée dans « les zones où l’offre de soins est faible », rappelle l’Assurance maladie.
Or, selon Anne Giannotti, présidente du syndicat MG France, les patients des plateformes privées de téléconsultation, comme Medadom ou Livi, ne respectent souvent pas ces conditions, tout en bénéficiant d’un remboursement. « Ils ne vont pas chez le généraliste car ils savent que la téléconsultation facilite, par exemple, l’obtention d’antibiotiques », explique-t-il.
Fin 2021, la condition de « connaissance préalable du patient » a été supprimée, c’est-à-dire le fait de l’avoir reçu pour un examen médical dans les douze mois précédents. « Une fois par semaine, nous sommes obligés de rappeler à l’ordre les personnes qui font trop de téléconsultations, pour les inciter à aller chez le médecin », avoue Jonathan Ardouin, PDG de Livi.
Ces craintes sont partagées par le Conseil de l’Ordre national des médecins. « Les offres de soins remboursables faites par des médecins interchangeables et localisées aux quatre coins du pays s’imbriquent entre les patients et leurs médecins locaux », lit-on dans un rapport de 2020. De son côté, Medicare le reconnaît : « Les règles existantes ne correspondent pas bien sur ces plateformes, c’est pourquoi nous avons demandé au gouvernement de créer un statut spécifique. «
Le problème des arrêts de travail

D’autant plus qu’un autre problème est devenu énorme : celui des interruptions de travail. « Nous avons constaté que beaucoup ont utilisé ces plateformes pour en obtenir une, raconte Luc Duquesnel, président du syndicat Les Généralistes – CSMF. Sur le site Medadom, l’entreprise précise que les médecins peuvent ordonner « une pause de travail pouvant aller jusqu’à trois jours ». Livi les limite à cinq jours, et met un point d’honneur à ne pas prolonger un arrêt imposé par un médecin.
Parfois, certaines plateformes en font ouvertement la publicité. Comme le site Stopmedicine.fr, qui proposait l’arrêt de travail « en quelques minutes ». Si le site a été notifié fin 2019, l’argument semble toujours d’actualité : dans ses dernières recommandations au gouvernement, l’assurance maladie souhaite que les interruptions de travail réalisées par téléconsultation, hors médecin traitant, ne soient plus remboursées.
Une pratique généralisée

Depuis le début de l’année, 7,3 millions de téléconsultations ont été facturées par l’assurance maladie. Pour 2021, ce chiffre passe à 12 millions.
70% des téléconsultations seraient réalisées par des médecins prenant en charge des patients, selon l’assurance maladie.
Selon Doctolib, 22% des Français utilisent régulièrement les téléconsultations.
Selon une étude menée par Medaviz en 2018, la durée moyenne d’une téléconsultation serait de 7 minutes.